CHAPITRE 2 : Dans le noir

6 0 0
                                    

Attentif au moindre bruit, je n'arrive pas à m'endormir. Pourtant j'aimerais reposer mes yeux, ils sont si clairs que le rouge tout autour est déconcertant, alarmant, effrayant. Ils sont vert d'eau, toujours comme sur le point de pleurer. Presque gris parfois.
On m'a souvent pris pour un faible, on n'avait jamais peur de moi. Pourtant, je sais me défendre maintenant, on ne m'approche plus, j'ai marqué mon territoire, tous le savent, ou ne sont plus là pour en parler.

La lumière m'a cramé les yeux, plus que jamais secs et déshydratés. L'obscurité les a achevé. Je me force à discerner les mouvements, mais ils sont si faibles. Comme je le suis. Je veux paraître fort mais je tremble. « C'est bien moins facile dans l'obscurité, n'est ce pas Sacha ? » Je le démonterais bien celui là. Toujours riposter. Je n'ai qu'une ligne de conduite. Si tu ne me donnes pas, je viendrai chercher. Je suis prêt à payer mais n'essaie pas de me la faire à l'envers. Je ne suis plus un tendre. Le couteau ça me connaît. On me connaît. Pourtant dans le noir je suis faible. Comme un gamin qui veut se réfugier dans les jupes de sa mère. Comme un oisillon qui n'ose pas sauter du nid.

Je ne me rappelle plus le temps d'avant, celui où la peur ne rythmait pas mon quotidien, où le manque et l'attente n'étaient pas présents. Celui où je ne dépendais que de ma mère. Ma mère. Ma tendre et douce mère. Elle avait un beau sourire, enfin je crois. Combien cela me manque de dire « maman » et d'entendre sa voix, sa joie quand j'avais besoin d'elle et que je lui faisais confiance. Je ne me souviens de rien sinon qu'elle était mélodieuse. Mais dans le noir, je ne me souviens que de ses cris et ses plaintes dans ses derniers instants, ceux qui s'étirent pour donner de l'espoir, mais qui s'arrêtent tout aussi brusquement, sans raison. Elle pensait que je ne l'entendais pas, sinon elle n'aurait jamais pleuré, supplié, elle serait partie, forte comme elle a toujours voulu se montrer. D'elle, il ne me reste rien si ce n'est une part courageuse, qui me dit de ne pas abandonner. De rester cacher ici, de ne pas céder, jamais céder. Etre plus fort et me battre. Parce que ce n'est pas fini, jamais fini. « Tout se passera bien Sacha, tu ne me rejoindras pas ce soir. »

J'attends, les yeux à demi fermés. Je sens le bruissement de l'air qui s'agite. Je n'aime pas ça, ça risquerait de couvrir le bruit des menaces extérieures. Il faut que je sois prêt. Prêt à tout.

« Le couteau en dernier recours Sacha », je n'ai pas oublié, il est bien là, près de moi, accessible à ma guise.

J'ai déjà essayé d'en finir, de m'arracher à cette situation, ce fut un vain accès de faiblesse. Quatre entailles dans les veines, les poignets tailladés, ça n'a pas suffit, ils m'ont retrouvé, peut être à temps, pour le meilleur, et pour le pire.

Pourquoi suis-je là ? J'essaie de me souvenir de signes annonciateurs. Non, il n'y en a aucun. Tout se passait bien avant qu'elle ne parte, ou n'était-ce qu'une illusion ?

Un long frisson parcourt ma colonne vertébrale.
Je commence à avoir des sueurs froides.
Mon corps tremble, la glace se glisse insidieusement sous ma peau, le doute avec elle et l'angoisse, toujours elle, plus tenace encore qu'au commencement. Pourtant je suis toujours dans l'attente. Je gagne encore la partie. Ils ne me trouvent pas.
Tout tremblant, j'ose à peine esquisser un mouvement. Mon nez commence à goutter, mes dents à claquer, mes genoux à s'entrechoquer.
Tout se joue ailleurs, ou alors dans ma tête, mais je suis là dans le froid à attendre. Une longue partie.
Pour vaincre la paralysie qui s'empare de mon corps je tourne lentement mes membres. Lentement n'aura pas suffit, je bouscule quelque chose dans la nuit glacée.

Un grand fracas.

Encore une partieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant