~H A D E A~

Chapitre 1

•Cassius•

    *flashback*
    J'ai du mal à respirer, il fait trop chaud, trop sombre, trop lourd. Je tiens fermement la main de Maman. J'ai peur. Il y a trop de gens dans cette cale pour pas asser d'oxygène. Ils viennent de nous donner du riz. Il est dégoûtant mais la faim nous fait manger tout ce qui peut l'être. Il y a un coin de la cale où on entasse ceux qui sont déjà partis. Ils sont très malades d'après Shon. En plus ils puent trop. J'ai très peur.
    Je me souviens parfaitement des années d'esclavage d'avant mes 4 ans. Maman croit sûrement que je les ai oubliées comme Noca. C'est la plus petite, je sent depuis toujours que je dois être son grand frère protecteur comme Shon l'est pour moi.
    Ça fait 3 mois maintenant qu'on est dans cet appartement, en pleine banlieue pour démons. C'est comme ça qu'on appelle ceux venus des nouveaux continents. Les pôles sont des continents démoniaques d'après la culture de Hadea. Je m'en fous. Avant ça me faisait mal, ça m'énervait. Maintenant je ne ressens plus que du dégoût envers les hadéites. Lorsqu'on se réduit à penser que tout les hommes ne sont pas égaux, que l'on est meilleur que d'autres, on est sûrement le pire.
    Je rentre de l'école à pied comme d'habitude, les places de bus coûtent trop cher pour les démons. Avant je prenais mon skateboard mais les routes sont de plus en plus impraticables dans notre secteur, même à vélo (si j'en avais un) ce serait difficile. Ce soir je ne dois pas passer prendre Noca, on est jeudi, c'est Shon qui s'en occupe. Je fais un petit crochet de ma longue route, je passe par le pont près de l'ancien château. J'ai pris l'habitude de passer par là seul, me mettre en équilibre sur le bord et briser cet équilibre une fois contrôlé. Sentir l'eau froide autour de moi. Le silence. Je me sent si bien dans ce froid et ce silence.
    J'ouvre la porte de l'appartement, personne à la maison. Je dépose mon sac sur mon matelas. Shon a encore laissé ces habits sur mon matelas. Je vais dans la cuisine, on m'a laissé un bon tas de vaisselle. Ça va aller vite avec la musique de mon fidèle MP3.
    Maman rentre bien après Noca et Shon. Il fait bien noir quand elle rentre, elle nous embrasse sur le front et s'écroule sur son matelas. Elle devrait manger un peu. Il reste de la purée dans la cuisine. Je sais aussi qu'elle aime s'endormir sans manger, comme si c'était son devoir. Elle l'accomplit largement. C'est elle la seule raison pour laquelle je m'efforce de ne pas me faire remarquer, de ne pas répondre aux injures des instituteurs et de la police. Elle sacrifie tout pour nos scolarités, pour nos futurs. Je lui dois bien ça.

•Lyn•

    Papa et Maman ne rentreront pas ce soir non plus... Je sais qu'ils ont beaucoup de travail en tant que conseillers de l'EH, mais ils me manquent. J'en ai marre de l'école. Toujours les mêmes profs qui se foutent des mêmes démons juste parce qu'ils sont nés sous cette appellation. Toujours les mêmes "amis" qui éclatent de rire aux mêmes blagues xénophobes. Toujours les mêmes cours ennuyants, les mêmes interrogations trop rapides, les mêmes sonneries assourdissantes...
    Il y a un gars dans mon cours d'Histoire, un démon. Je ne sais pas ce que je lui trouve exactement, c'est vrai qu'il est pas mal physiquement mais c'est pas ça, il y a quelque chose d'autre. Je ne sais pas si j'aime ce cours pour le cours lui-même ou pour le fait de le voir. Je ne connais pas encore son prénom, son nom c'est quelque chose comme Arry ou Ryu.. Ah! Son nom c'est Aruet. C'est beau comme nom. Il écoute rarement en classe, il lis beaucoup et ne bois que de l'eau (tout le monde bois du jus Fak). Encore une nuit blanche sur mon lit deux places à cogiter. Je regarde par ma grande fenêtre, des milliers d'étoiles.

•Rena•

    Putain. Qu'il fait froid. En plus le banc est mouillé. J'ai pas le choix que de dormir dehors, Jin est encore bourré. Tous les autres sont aussi sortis de l'appart. Ça va faire maintenant 5 semaines que Jin me laisse dormir dans son appartement sur un vrai matelas. J'ai encore le collier de Maman autour du cou, il a survécu lui. Personne ne le touchera. Repose en paix Maman. Je fais maintenant partie d'un gang. Je fais rien de grave, je vole souvent et je fais quelques braquages de temps en temps. Je vois l'argent de très près mais j'en touche jamais beaucoup. Je sais que c'est impossible de braquer sans un gang pour te protéger et je sais que les gangs payent mal. Seulement, c'est la seul manière de payer Jin pour le matelas et le souper.
    Je passe beaucoup de temps à la bibliothèque. Il y fait chaud et j'aime lire. Peut-être qu'un jour ça servira d'apprendre ce que j'apprends. La bibliothèque ferme à 19 heure. Il est plus ou moins 23 heure. Ça fait quatres bonnes heures que je me les gèle dans ce parc. Si je me fais chopper ici, ça sera l'arrestation directement mais je préfère dormir en garde à vue que de me faire violer par un proprio bourré ou de me faire attaquer par un gang dans la rue. Il fait très froid, je suis en train de lire "Trois fleurs rouges et une noire". C'est un recueil de poèmes que j'ai volé à la bibliothèque. Enfin, "volé", je l'ai pas volé, juste emprunter. Je vais le remettre quand je l'aurais fini. Je me couche sur mon banc en tenant mon recueil à la lumière du lampadaire qui est à une dizaine de mètres. C'est un poème très triste, très lourd. On dirait qu'il raconte ma vie.
"Bien content que son bob
Cache ses yeux qui pleurent
La pluie chaude l'enveloppe
Heureux dans le malheur"
    Ça m'énerve quand Jin est comme ça ! On dirait... on dirait Papa! Je vais sortir de ce gang. J'ai vais commencer autre chose. Je vaut plus que ça. Je vais me chercher un job. J'ai pas besoin de la rue pour faire ma vie. La rue n'est qu'une pute ingrate, un piège. Mais en même temps, on nous lâche juste au dessus à la naissance. Il n'y a aucune justice en tout cas il n'y en a plus. J'ai trop de dettes. Le gang des Rits veut me tuer et c'est loin d'être le seul. Je me tue dans le froid. Je commence à me défoncer trop souvent, à ce rythme là je deviendra vite accro à cette merde. Il me faut autre chose que ça pour sortir des problèmes. Demain je me chercherai un job, un nouveau départ. Ou je quitterai peut-être la ville. Il faut juste que je me cache dans une soute. J'en sais rien, mais ma vie s'arrête maintenant. Là, je vis ma nouvelle vie. Celle où on a des choix. Celle où on fait les bons choix. Je dépose mon livre. Le lampadaire ne sert plus vraiment à quelque chose, le ciel illumine plus. Des milliers d'étoiles.

•Cassius•

    Tout le monde dort. Sauf Shon, il sort la nuit depuis quelques temps. Je le soupçonne de vouloir rejoindre une de ces organisations révolutionnaires qui sont tout aussi xénophobes que le régime actuel... Je ne dirai rien à Maman. Je voudrais pas l'inquiéter et puis Shon m'a couvert des dizaines de fois. J'ai finis de nettoyer la cuisine. Je sors la poubelle, cinq putains d'étages, je suis vraiment fatigué. Je dépose les deux sacs derrière l'arrêt de bus, comme d'habitude. Je lève la tête. C'est magnifique, des milliers d'étoiles.