CHAPITRE TROIS

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Ce soir-là, Amaliah n'obtint qu'un seul client peu exigent. Il avait très peu demandé, seulement une petite heure qui passa rapidement. Alors qu'elle allait partir, elle fut attirée par une lueur qui emanait de l'homme. La transpiration luisait dans les cheveux de son client. Cette chevelure châtain, pourtant ordinaire, était comme illuminée par une lueur rousse, comme une étincelle. Elle aurait juré voir la chevelure de l'artiste du bar. Pendant un instant, elle s'imagina flotter entre les longues mèches de la femme à laquelle elle rêvait souvent. Si seulement elle pouvait effleurer la douce peau de cette jeune femme...Si seulement... Mais les rêves n'étaient jamais devenus réalité pour Amaliah. Alors pourquoi maintenant ?
Reprenant ses esprits, la courtisane quitta la chambre. Jetant un oeil à sa montre, elle vit que la nuit n'était qu'à peine entamée. Elle décida donc de revenir à la ville. Peut-être aurait-elle la chance de pouvoir se délecter de la silhouette de la peintre...
Elle prit donc la route qui menait à la ville. Le bitume sur lequel glissait ses pas était longé par des trottoirs délabrés. Ce quartier n'était vraiment pas un endroit qu'elle appreçiait. Afin de se remonter le moral, elle pensa au doux lit que son aimée devait avoir. Amaliah savait que les artistes étaient tous issus de nobles familles. Ils pouvaient se reposer et semblaient toujours prêts à découvrir le monde, avec ces yeux que seuls les enfants de l'Art possédaient. Elle aurait tant aimé pouvoir vivre une vie comme la leur, mais elle en était incapable. La seule chose qu'elle savait faire, c'était se déshabiller sous les yeux de pervers prétentieux.

À mesure qu'elle s'enfonçait dans la nuit, elle sentait comme une peur nouer son estomac. Décidemment, elle n'était pas une guerrière sans peur ni reproche. Elle n'était qu'une prostituée. Elle se sentait si mal dans sa peau. Elle aurait voulu tant de choses dans la vie. Pourtant si jeune, elle se sentait vieille comme une ancêtre qui aurait vécu beaucoup trop d'épreuves. Elle se sentit faillir et ses jambes se derobèrent sous son poids. Elle était empêtrée dans ses multiples jupes, comme un oiseau englué dans de la boue. Elle était perdue au milieu de son corset trop serré, et elle se rendit compte qu'elle était seule. Si seule et oubliée. Personne ne se souciait d'elle. Ses parents l'avaient rejetée, et elle n'avait pas d'amis. Seulement quelques connaissances. Personne n'irait la chercher ici. Elle était écrasée par le poids de sa coiffure, qui l'engloutissait comme une pieuvre.
Perdue dans ses songes obscures, elle perçut comme une voix qui l'appelait. L'ange avait eu raison d'elle, et la tirait vers la vie. Au fur et à mesure que ses yeux recouvraient leur clarté, elle devisagea l'ange qui l'avait extirpée des profondeurs de sa solitude. La personne qui se tenait en face d'elle était vêtue d'une robe verte, comme tissée dans de l'émeraude. Ses cheveux sombres étaient éclairés par un simple réverbère qui formait un halo autour de sa tête. Des mèches rousses étincelaient au milieu de sa chevelure. Sa déesse l'avait sauvée. Emplie de reconnaissance, elle s'abandonna dans les bras de cet être désiré secrètement. Elle n'avait pas de mots pour exprimer ce qu'elle ressentait.

Le fleuve guidera notre amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant