Chapitre 1

8.9K 459 117
                                    


Chalon-sur-Saône...

Ça fait maintenant deux semaines que j'habite ici. Mon père a en effet décidé cet été que nous irions vivre avec sa nouvelle compagne, Coralie. Ils se sont rencontrés en avril, alors que cette dernière était en vacances dans le Sud de la France avec sa fille, Léa. Voilà comment je me suis retrouvé à suivre un camion de déménagement en plein mois d'août, direction la Saône et Loire, sans avoir eu mon mot à dire. Demain, mercredi 2 septembre 2009, sera donc mon premier jour en Terminale littéraire au lycée Pontus de Tyard. Et ce n'est pas pour me plaire.

Passer d'une grande ville du Sud baignée par le soleil et la mer, Marseille, à cette Bourgogne triste et pluvieuse me déprime. J'ai dû laisser derrière moi mon meilleur ami Samir ; Sophie, mon premier amour, ainsi que tous mes potes d'enfance. Une partie de ma jeunesse.

Depuis la décision paternelle, je me sens incroyablement seul.

La cohabitation avec Coralie et sa fille de dix-sept ans, aussitôt surnommée ma « presque demi-sœur », est assez rude. Léa, qui a un an de moins que moi et sera également en Terminale dans le même lycée – j'ai redoublé ma Seconde –, ne cesse de me tourner autour. Quant à sa mère, elle essaie tellement de remplacer la mienne qu'elle en est envahissante. Je me demande bien ce que mon père lui trouve.

Heureusement, j'ai pu conserver ma chienne, Éliade. Sa présence me permet de ne pas imploser.

— Vincent, à table ! hurle mon père pour la troisième fois.

Qu'est-ce qu'il ne comprend pas dans « Je n'ai pas faim » ? Ce doit sans doute être pour ne pas blesser Coralie qui s'est donné tant de mal pour nous préparer une casserole de pâtes et réchauffer une sauce toute prête. Je ne peux pas lui faire l'affront de rester le ventre vide.

Je soupire en me levant, puis descends les escaliers d'un pas traînant. Ils sont déjà tous installés devant leur assiette fumante de spaghettis, sur lesquels une Bolognaise premier prix libère un fumet âcre. On se croirait en salle de physique/chimie.

— Vincent, mon chéri, viens vite avant que ça refroidisse ! minaude Coralie.

Elle quitte sa chaise pour m'accueillir. Je lui adresse un sourire forcé avant de m'asseoir, tandis qu'elle me sert une énorme platée de pâtes collantes.

— Merci, Coralie, ça va aller, dis-je en interceptant son geste de la main quand elle s'apprête à en rajouter.

— Mais il n'y a trois fois rien ! À ton âge, les garçons doivent manger, prendre des forces...

J'ai déjà cessé de l'écouter. Je pourrais lui préciser que les nutriments dont un adolescent a besoin ne se trouvent certainement pas dans cette mixture à l'aspect de vomi qu'elle déverse en abondance dans mon assiette. Cependant, discuter avec elle entamerait considérablement ma patience, et ce soir, je ne suis pas prêt à un tel sacrifice. C'est pourquoi je souris à nouveau, de façon polie cette fois, pour lui faire plaisir et qu'elle me lâche enfin.

Tout en me forçant à avaler mon repas, je fais semblant d'écouter la conversation alors qu'au fond de moi, je suis ailleurs en train de songer à mon avenir.

J'aimerais être photographe animalier, c'est mon plus grand rêve. Capturer les instants sauvages, immortaliser des pans de vie que personne d'autre n'aurait encore pu observer, pour qu'ils ne puissent jamais s'effacer de ma mémoire. Cette passion est née quelques années après la mort de ma mère. J'avais besoin d'échapper au gouffre qu'elle avait ouvert sous mes pieds, de prendre le large pour souffler. J'ai commencé par faire des clichés de la faune marine, au début sur la plage en me contentant de mitrailler les crustacés cachés au milieu des rochers, puis dans les hauts-fonds une fois que j'ai su plonger.

UNDISCLOSED DESIRES (Romance MM/GAY) ÉDITÉOù les histoires vivent. Découvrez maintenant