Chapitre 5, partie 1

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Huit heures trente. Nous sommes en cours de philo, nos petits écriteaux en papier avec notre nom et notre prénom posés devant nous. Notre professeur, madame Pierre, est de loin l'enseignante la plus bizarre que j'aie jamais eue. Elle s'adresse à nous comme si nous étions des demeurés, nous lance des coups d'œil blasés et n'hésite pas à nous casser sans le moindre scrupule. Visiblement, pour elle, cela semble être la chose la plus naturelle au monde. De mon côté, ça prend plutôt bien ; j'ai toujours apprécié les gens atypiques.

— Si je vous demande ce qu'est la philosophie, que répondez-vous ? s'enquiert-elle en balayant la classe du regard.

Madame Pierre a de courts cheveux sombres aux reflets aubergine. Elle est assez petite et très mince, et ses yeux sont légèrement bridés. Elle possède sans le moindre doute des origines asiatiques. Habillée d'un imperméable imprimé léopard noir et blanc, sous lequel on distingue un pantalon taille haute et un chemisier cintré, elle arpente la pièce en nous jaugeant, se demandant lequel d'entre nous osera l'ouvrir en premier. Personne n'a envie d'être celui qui lui donnera une définition erronée.

— Monsieur Prost ? interroge-t-elle au hasard des noms sur la liste d'appel.

— Pourquoi faut-il toujours que ça tombe sur moi ? grommelle Sébastien, tout en levant la main pour que la prof sache qui il est.

Je ris discrètement, amusé par la situation.

— Monsieur Prost, on vous écoute.

— C'est l'amour de la sagesse, lâche-t-il soudain.

L'enseignante l'observe d'un air étonné, avant d'acquiescer d'un signe de tête.

— En effet. Le mot philosophie, tiré du grec ancien, est composé de phileinqui veut dire « aimer », et de sophia : « sagesse ».Ce qui signifie donc littéralement : « l'amour de la sagesse ». La philosophie est la science de la vie qui nous amène à nous interroger, à chercher la vérité dans différents domaines, ou encore qui nous aide dans notre quête du « bonheur ». Nous allons étudier cette matière à travers plusieurs thèmes tels que les Sciences, qu'elles soient humaines ou épistémologiques, la Religion, le Langage, l'Art...

« Nous nous consacrerons donc à cette tâche durant une année scolaire et j'espère que vous saurez être sérieux, d'autant que nous nous verrons huit heures par semaine et que votre note au bac sera coefficient huit ! Autrement dit, la philo est un cours à ne surtout pas négliger si vous comptez obtenir votre diplôme. »

Je pousse un soupir blasé tandis que Sébastien gribouille nerveusement sur une feuille. La journée risque d'être longue.

La présentation de la matière s'éternise, si bien que je décroche complètement, perdu dans la contemplation du mur vert pistache qui doit bien avoir une quinzaine d'années et dont la peinture écaillée se soulève par endroits.

— Tu viens à la fête d'Adrien, ce soir ? chuchote mon voisin.

— Ouais, même si je ne sais pas qui c'est ni où il habite.

— On s'en fout. De toute façon, on tape tous l'incruste.

— Monsieur Prost et... Monsieur Ferré, nous apostrophe madame Pierre en déchiffrant mon nom sur mon écriteau, tout va bien, je ne vous dérange pas ? Vous voulez du thé, des petits gâteaux ?

Elle nous jette un coup d'œil interrogateur tout en passant sa langue à l'intérieur de sa joue. J'imagine qu'elle fait son possible pour ne pas s'énerver.

— Si c'est si gentiment proposé, plaisante mon camarade.

La classe entière s'esclaffe et la prof ne peut s'empêcher d'esquisser un sourire, juste avant de lancer :

— Il semblerait que vous soyez un petit malin, Monsieur Prost. Alors que diriez-vous de faire le cours à ma place et de nous parler un peu de la philosophie ?

— Madame, je serai ravi d'en discuter en tête-à-tête avec vous, mais plutôt autour d'une bonne bière ! Le thé, ce n'est pas mon truc.

Les gloussements s'accentuent, même madame Pierre semble amusée.

— Allez, allez, c'est le début de l'année, mais on ne va pas commencer les pitreries. Maintenant, j'aimerais qu'on avance, tempère-t-elle néanmoins.

Le cours reprend, et cette fois, nous restons attentifs jusqu'à ce que la sonnerie nous libère.

Pendant la pause, alors que les autres sont en pleine discussion concernant la soirée à venir, Morgane vient me faire la conversation. Elle finit par me demander si j'ai laissé une copine à Marseille et, au moment où j'évoque Sophie, je ressens comme un léger pincement au cœur. Parler avec Samir m'a perturbé. Je sais que j'éprouve encore quelque chose pour mon ex.

— Et donc, à part elle, tu n'as jamais eu de relations sérieuses ?

— Non. Et toi ?

Sans vraiment nous en rendre compte, nous nous sommes un peu écartés des autres. J'ignore pourquoi je suis aussi honnête, peut-être pour qu'elle comprenne bien à quoi s'en tenir si elle décide de passer du bon temps avec moi.

— J'ai été avec Flo pendant un moment et il m'a fait galérer. Depuis, je profite.

Mon intérêt pour elle vient brusquement de s'accroître. Une fille sans prise de tête qui souhaiterait juste s'amuser me conviendrait tout à fait, surtout en ce moment. Et de toute évidence, c'est ce qu'elle semble rechercher.

— Peut-être qu'on pourrait profiter ensemble, je lui propose sans détour.

Morgane me sourit, ravie.

— Peut-être bien.

— Pas d'attaches, j'insiste.

— Aucune. Ça fait partie du deal.

Elle me tend la main, comme pour sceller un pacte. Je la lui serre.

— Marché conclu.

Morgane laisse filer un rire et me demande ensuite mon numéro. Je le lui dicte et elle m'envoie aussitôt un message afin que je puisse enregistrer le sien.

Puis la sonnerie retentit.

— À plus, beau brun !

Je la regarde s'en aller, non sans mater ses fesses au passage, avant de surprendre les yeux de Léa posés sur moi ; ils lancent des éclairs. Elle me tourne le dos et s'éloigne d'un pas précipité.

— Je crois que Queen L n'aime pas trop l'idée que tu flirtes avec Morgane, ricane Sébastien.

— Pour l'instant, il ne se passe rien.

— Oh, ça ne va pas durer ! Momo sait se montrer très convaincante.

Nous retournons dans l'enceinte du lycée et regagnons l'aile droite du bâtiment où se déroule notre cours d'anglais.

— Ce soir, on se retrouve tous place du Collège, m'informe mon camarade. À vingt heures.

— Ça marche.

UNDISCLOSED DESIRES (Romance MM/GAY) ÉDITÉOù les histoires vivent. Découvrez maintenant