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Un court extrait de ce qui sera mon prochain roman, en cours d'écriture. Donne-moi ton avis.



Le vent dans les cheveux de Kinø était très agréable, reposant. Aujourd'hui, ses émotions ont été aux aguets, et elle n'a pas toujours su gérer ce surplus de sentiments – bien qu'elle ait essayé.

M. Parker s'avérait être, en réalité, un ancien ami de sa mère, portant le véritable nom de Ulrich Jägger. Sa mère porte un grand intérêt à cet homme, et Kinø n'aime pas ça, cette situation la rend mal à l'aise. Comme si personne au monde et dans l'univers, ne pouvait prendre la place de son père.

Comment ose-t-elle rencontrer un autre homme, lui porté un si grand intérêt alors que le souvenir de son défunt mari est encore bien à vif. Une blessure qui ne guérira jamais, cependant...

- C'est juste un ami, chérie, lui avait-elle dit quand elle a laissé sortir son monstre de jalousie.

Ses avant-bras commencèrent à lui faire un peu mal. Le béton armé du balcon n'était pas si confortable que ça, au final. Mais elle s'en fichait. D'ici, on pouvait voir tout le quartier. L'appartement était haut dans le ciel, certainement pas le plus haut, mais à une distance mortelle du sol.

Kinø y a souvent pensé, se laisser tomber du haut de ce balcon qu'elle aime tant, pour s'écraser sur le sol, des mètres plus bas. Aucune douleur, si on savait bien tomber. Kino savait comment tuer. Elle ne le savait que trop bien.

Elle avait souvent eu ce genre d'idées cachées, refoulées au plus profond de son être pour ne pas attrister sa mère – ou pour éviter qu'elle la fasse chier avec ça – elle attendait simplement le moment propice pour rejoindre son père.

Mais ce soir, c'était différent. C'était comme si, tout ce qu'elle avait l'habitude de penser, toute cette noirceur enfouit à l'intérieur d'elle, s'était comme tut, un silence dans sa tête qui la lui faisait un bien extrême.

La ville sentait une odeur peu ragoutante, en apparence, mais, au final, c'était quelque chose qui l'apaisait aussi beaucoup. Cette odeur chaude, humide, cette brume ambiante d'une sorte de vapeur inexpliquée, la condensation probablement.

- L'orage va gronder, ce soir, dit une voix qui sortit Kinø de sa paix intérieure.

- Probablement.

- Ça se sent.

- C'est étrange que vous disiez cela, c'était une phrase que mon père répétait souvent quelques heures avant que l'orage frappe.

- Nous sommes de la même époque. Ceci peut expliquer cela.

- Ne prenez pas vos grands airs avec moi, et surtout pas ici. Je pourrais me montrer agressive.

- Tu veux dire, plus que d'habitude ?

Ulrich s'avança et la rejoignit sur le bord du balcon. Il pouffa en baissant la tête avant de lever les yeux vers les étoiles en souriant.

- Je ne vois pas ce qu'il y a de si drôle, enquit-elle sur la défensive.

- Non, rien. En fait, tu me rappelles ta mère. Du moins pas celle d'aujourd'hui, mais la tête brûlée d'il y a quelques années.

- Vous voulez dire des siècles ! Je n'ai jamais vu ma mère avoir ce genre de comportement.

Il se retourna, posa le haut de ses fesses sur le rebord frais en béton et observa Kino.

- En es-tu fière ?

- Pardon ?

- Ton comportement, es-tu fière d'être provocante ?

- Je ne vois pas en quoi ça pourrait vous être utile de savoir ça.

Inconsciemment – ou pas – Kinø observait chaque faits et gestes de cet invité mystérieux. Il l'intriguait beaucoup et éveillait en elle une sorte de curiosité maladive, mêlé à une attirance profonde.

Il regardait droit devant lui, son regard était dur, malgré ce sourire en coin qu'il affichait. De larges épaules et un buste saillant constituait sa silhouette. Une mâchoire plutôt carrée, abrupte, imberbe, une chevelure blonde soigneusement entretenue.

Aucuns signes, ou presque, ne montrait que cette homme avait passé la quarantaine, seulement quelques rides bien placées sur son visage et une mèche poivre et sel parmi le blond de ses cheveux.

Il tourna la tête vers elle. Kinø en rougit. Ulrich sourit, flatté.

- Je voudrais te connaître plus amplement, voilà tout, lui répondit-il calmement.

- Il n'y a rien à savoir sur une pauvre fille tel que moi, pouffa-t-elle, perdant toute ironie.

Un silence. Un silence qui laissa place au gémissement de la ville en contrebas.

- Il y a quelque chose que j'apprécie tout particulièrement, dans la nuit. Veux-tu le savoir ?

Elle répondit par un simple haussement d'épaules à peine perceptible.

- J'adore écouter la vie autour de moi. Elle est véritablement différente lorsque la nuit tombe ; c'est là qu'on entend les choses les plus croustillantes, qu'on voit les débauches les plus attrayantes. Etre le spectateur d'un mouvement infime, minuscule, caché dans l'obscurité, le garder dans un coin de sa tête et le ressortir le moment venu.

- Vous êtes un voyeur, en somme.

- Je dirais plutôt, un homme d'affaire.

- Appelez ça comme vous voulez, ça ne fera pas de vous une personne plus clean.

- J'aime ton tranchant, Kinø, finit-il par avouer, les yeux au ciel. J'aime cette façon que tu as de raisonner, pessimiste et cruelle. Tu es une femme intelligente.

- Est-ce que vous me faites du rentre-dedans ?

- Dis la femme qui m'observe en douce.

Touché...

- Faisons affaire, toi et moi.

- Je vous ai déjà dis non, ne recommencez pas votre baratin.

- Mais pourquoi, alors ? Pourquoi ne veux-tu pas faire affaire avec moi ?

- Ça ne m'intéresse pas, c'est tout.

Il rit, à gorge déployée, comme s'il voulait que tout l'univers l'entende.

- Vous êtes vraiment une personne atteinte psychologiquement parlant. Ça se soigne vous savez ?

- Personne ne m'avait encore jamais refusé une collaboration de cette manière. J'ai le droit de trouver ça original, non ?

Kinø se redressa, étira son corps dans toute sa longueur d'athlète marqué par le labeur, laissant paraître une petite partie de son ventre, en baillant bruyamment avant de se retourner vers l'intérieure de la bâtisse.

- Je m'en tape de ce que vous pensez de moi. Je suis fatiguée, je rentre chez moi. Bonne nuit, M. Parker...

- Bonne nuit, Kinø, murmura-t-il seulement pour lui.

RANTBOOK d'un agneau sanguinaireWhere stories live. Discover now