217 [En cours]

Prologue

Tout était en train de déraper. Elle le savait. 

Et ces laborantins qui s'affairaient partout à la fois, courant d'un bout à l'autre de la salle de contrôle, appuyant sur des boutons, actionnant des manettes et pianotant sur les écrans tactiles, ne pourraient rien y changer. Ces abrutis pensaient pourtant pouvoir tenter quelque chose, mais ils ne faisaient qu'aggraver la situation, et provoquer son courroux. 

Ils avaient perdu la partie. La marionnette s'était libérée de ses fils, et plus rien ne l'arrêterait sur le chemin de la liberté. Mais comment une espèce aussi primitive pourrait-elle se développer correctement toute seule? Cette bande de singes ahuris espérait-elle s'en sortir sans leur aide? 

Elle en était là de ses réflexions torturées lorsque le Gros Bonhomme Chauve vint l'interrompre. Elle avait toujours été incapable de se rappeler du nom du responsable de cette débâcle. 

- Madame, je suis vraiment navré, nous... Nous allons travailler d'arrache-pied, et... et remettre l'expérience sur les rails, je... je vous le promets!

Mais la sueur qui perlait sur son front et ses balbutiements honteux disaient le contraire. Il était terrifié, parce qu'il savait pertinemment qu'il ne pourrait jamais tenir cette promesse.

Elle se leva de son fauteuil et domina le scientifique de son mètre quatre-vingts. Puis elle planta un doigt fin dans sa bedaine flasque, qu'elle sentait trembloter à travers sa blouse. 

- Ecoutez-moi bien. Je ne suis pas idiote. Cette expérience a capoté. Et j'ai désormais d'autres préoccupations que de tenter de la sortir du bourbier où vous l'avez mise!

- Madame, je vous jure que...

- Cessez de lancer des promesses. Ce que je veux, moi, c'est de l'action et des résultats. Et vous n'êtes visiblement capable de me fournir ni l'un ni l'autre!!

Le Gros Bonhomme Chauve avala sa salive avec difficulté et baissa le regard.

- Je vous assure que nous faisons tout notre possible! Nous allons y arriver.

Soudain, tous les écrans grésillèrent, et des étincelles jaillirent dans toute la pièce. L'un des scientifiques se pencha sur sa console.

- Nous avons perdu le contact. Plus moyen d'agir sur quoi que ce soit!

Elle se tourna à nouveau vers son interlocuteur.

- J'ai comme l'impression qu'il est trop tard, cher Monsieur. Que ce soit pour l'expérience, ou pour vous.

Le responsable ouvrit des yeux ronds, et se mit à crier :

- Je vous en prie, Madame! Je sais que je peux tout arranger! S'il vous plaît!!

Mais elle resta impassible tandis que deux hommes l'empoignaient et l'emportaient. Puis elle s'approcha de celui qui l'avait accompagnée. 

- Madame, que dois-je faire de tout ce gâchis? demanda-t-il en désignant les laborantins.

- Arrêtez tous les systèmes. Faites sortir tout le monde, puis condamnez cet endroit. Et assurez-vous qu'ils sauront se taire. 

Elle regarda la panique monter autour d'elle, puis ajouta un ton plus bas :

- Personne, vous m'entendez? Personne ne doit jamais savoir. Jamais.