Chapitre 4

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- Cassy?

- Oui, Docteur Jones?

- Je t'ai déjà dit de m'appeler Cléïs.

- Vous devriez peut-être reprogrammer mes paramètres de Proximité.

Je soupirai. J'étais en train de discuter avec une interface d'assistance depuis mon lit, un vendredi soir. Quelle tristesse...

- Je n'arrive pas à dormir.

- Souhaitez-vous que je passe une musique apaisante?

- Tu ne voudrais pas plutôt me faire la conversation?

- Je ne suis pas programmée pour cela, Docteur Jones.

"Je me demande bien pourquoi j'ai accès à tes services depuis chez moi, alors!" pensai-je en me retournant vers la baie vitrée.

- Tu sais quoi, oublie. Mets-toi en veille.

- Passage en mode veille.

Je me laissai glisser sous les draps chauffants, perdue dans mes pensées. « Je suis très fier de toi, tu sais. » Cette phrase tournait en boucle dans mon esprit, avec l'image de ses yeux emplis de larmes. Les yeux de mon père. Je ne savais plus quoi penser.

Quelques heures plus tôt, j'étais prête à tout pour lui montrer à quel point il avait été insignifiant dans ma vie, et à présent, je lui aurais pardonné même les crimes les plus odieux. Je ne savais même pas ce que je regrettais, mais une chose était sûre, je regrettais. J'avais envie de l'appeler et de lui parler, mais à cette seule pensée, les larmes se mettaient à couler sur mes joues. « De toute façon, il est sûrement occupé. »

Je me retournai en soupirant, et mes yeux se posèrent sur le portrait de ma mère, sur ma table de chevet. Son sourire radieux et son regard brillant, devant la porte d'un laboratoire quelconque. J'attrapai le cadre et le nettoyai d'un geste machinal en tentant de retenir mes sanglots de petite fille.

Je n'avais jamais vraiment pleuré sa mort. L'ayant très peu connue, les seuls souvenirs que j'avais d'elle et de son visage étaient fixés sur des photographies. Bien sûr, elle me manquait. Bien sûr, il m'arrivait de verser une larme en pensant à elle. Mais c'était la première fois que cette boule se formait dans ma gorge. Finalement, n'y tenant plus, j'ai laissé éclater cette boule. J'ai trempé mon oreiller, j'ai hurlé ma douleur et mon chagrin, en espérant que l'insonorisation ultra-performante des murs tiendrait ses promesses.

Je me sentais seule, terriblement seule. Pour la première fois de ma vie, je me suis laissée submerger par mes sentiments refoulés, oubliant le bonheur de ma journée, pour m'abandonner à la tristesse de la nuit.

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-        Docteur Jones ? Docteur Jones ?

Je frappai la tablette interactive, d'où s'échappait la voix.

-        Je crains de devoir insister, Docteur Jones. Vous allez être en retard.

-        Tant pis...grommelai-je. Tu n'as qu'à envoyer un message à l'Institut, et leur dire que je suis malade.

-        Négatif. Je suis un programme fiable, je suis incapable de mentir.

-        La vie doit te sembler bien ennuyeuse, alors.

Je me levai en marmonnant à propos de l'Intelligence Artificielle et de son exaspérante monotonie, puis m'habillai en silence.

-        Tu es sûre que je n'ai pas le temps pour un petit déjeuner ?

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 02, 2019 ⏰

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