Chapitre 13

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Les étudiants, que je côtoie depuis un mois, se tiennent tous les trois face à moi, les bras croisés.

Je retiens un petit cri. Je suis dans un endroit interdit, ils vont forcément me dénoncer !

Je regarde autour de moi à la recherche d'une quelconque issue -j'ai toujours été une grande adepte de F.S.C. (Fuite en Situations Compliquées)-.

- Ah, tiens, l'hippopotame du rayon des langues anciennes, constate platement le brun en me lançant un regard dédaigneux.

Je le foudroie d'un regard meurtrier, une soudaine envie de lui sortir une réplique bien sentie sur le bout de la langue. Mais je préfère me la boucler, je ne suis pas vraiment en position de force.

La fille aux cheveux blancs me dévisage longuement avant de froncer les sourcils.

- Tu as raison, dit-elle à l'attention du brun exécrable. Qu'est-ce qu'elle fait là ?

- On devrait l'amener à Koehler, souligne le garçon aux cheveux bruns clairs. Elle n'a rien à faire ici sans autorisation.

M'amener à Koehler ? Monsieur Koehler ? Le directeur de la bibliothèque ?

Si ils m'emmènent à lui, je ne suis pas dans la merde, je suis dans une bouse intersidérale.

La fille continue de me fixer intensément, une ombre passe devant ses yeux. Son visage fermé est revêtu d'un masque impénétrable qui me fait froid dans le dos. Elle m'observe sous toutes les coutures.

- Peut-être qu'elle sait... lâche-t-elle d'une voix tranchante.

Un grand blanc se fait dans la réserve. Je n'entends plus que le bruit de ma respiration et celui de mon cœur battre la chamade.

Que je sais quoi ?

De quoi ?

Les trois étudiants se lancent un regard entendu et la fille m'attrape le bras. Elle m'entraîne à sa suite, entre les rayons de livres, avant même que je ne puisse en placer une.

- Hé ! Lâche-moi ! je crie en me débattant comme je peux.

- Pas avant de t'avoir emmenée chez le directeur, dit-elle en resserrant sa prise sur mon avant-bras. Tu vas gentiment t'expliquer avec lui.

- Et pourquoi ça ? Je n'ai rien fait.

- Tu n'as rien fait, bien sûr, me répond-t-elle ironiquement. Tu entres dans une pièce interdite, tu écoutes nos conversations et tu dis que tu n'as rien fait.

- Je n'écoute pas vos conversations, je rétorque en grommelant.

La fille fait la sourde oreille et m'entraîne avec une force impressionnante vers la grande porte rouge qui ouvre sur le bureau du directeur.

Mon arrêt de mort est signé. Amenez-moi une guillotine.

Le garçon aux cheveux caramel frappe à la porte et entre sans attendre de réponse. C'est vraiment une habitude ici.

Le directeur est assis à son bureau et griffonne sur une feuille. Il est tellement concentré qu'il ne relève pas la tête vers nous ni ne dit un mot, il a l'air de n'avoir rien entendu. Il ne remarque même pas notre présence.

Comment fait-il pour être concentré à ce point ? Il doit sûrement étudier la racine carré du cosinus d'un microbe, ou un autre truc mathématique compliqué et ennuyant.

Il sort soudainement de sa concentration au raclement de gorge de ma geôlière qui ne m'a, d'ailleurs, toujours pas lâché le bras. Je prie pour qu'il ne finisse pas criblé de bleus, comme l'autre jour avec cet idiot de gardien. J'en garde encore le souvenir d'une profonde douleur aux articulations.

Immarcescible [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant