Chapitre 1

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Tout commença par le silence. Un silence assourdissant au néant sonore déroutant. Accompagnant cette absence, l'obscurité. Les abysses et les hauteurs ne trouvaient plus de sens, et les directions se confondaient sans peine. Le vide. Comme un univers entier mis en veille, où âmes qui vivent ne se manifestaient guère plus. Inanimé, ce monde paraissait suspendu dans le temps. Un monde dont les apparences semblaient laisser croire que rien ni personne ne pouvait venir le déranger.

Cependant si on se concentrait assez longtemps au loin, on pouvait apercevoir une petite étincelle danser. Vacillante comme la flamme d'une bougie au gré du vent, elle semblait lutter pour ne pas se laisser consumer par la nuit. Si on s'en rapprochait, son intensité se développerait, c'était ce qu'il y avait de plus logique. Seulement, ce fut tout l'inverse. Se cachait-elle à l'apparition soudaine d'une entité voisine ? Sûrement. La peur inhibait donc sa lumière.

Pourtant, au contact, la voilà qui se débarrassait de son angoisse pour s'étendre dans le noir. Le soir laissa place au jour et ainsi l'obscurité fut banni de ces lieux où mutisme régnait en maître. Dans ce monde blanc, néanmoins, le vide restait omniprésent. Mais au milieu de ce rien, une silhouette aux longs cheveux de jais se laissait balancer sur un rythme régulier. Recroquevillée sur elle-même, elle autorisait un murmure couler en continu de ses lèvres. Malgré cela, même sans un bruit aux alentours, rien ne donnait à entendre clairement ses mots.

Alors il fallut s'avancer, pour espérer qu'un son parvienne à se faire écouter. Et à l'instant même où, enfin sa voix se fît comprendre, comme le volume d'une radio augmenté brusquement, un hurlement à en faire exploser les tympans résonna dans le néant d'une puissance insoupçonnée.

« Maman ! »

Ce fut une tête ébouriffée, à peine sortie des draps, qui émit un cri qui réveilla sûrement tout le voisinage. Suffocant comme si elle venait de courir un marathon, la jeune fille aux yeux encore écarquillés par la terreur, posa une main se voulant réconfortante sur son front détrempé. Reprenant peu à peu pied avec la réalité, elle se concentra sur sa respiration et tenta de calmer son cœur battant à la chamade. Le rêve était fini. Il n'y avait plus rien à craindre. Tout irait bien. Oui, tout allait bien. Après tout, qu'avait-elle bien pu craindre dans ce cauchemar ? Comme d'habitude, ses souvenirs lui échappaient et rien ne semblait pouvoir les faire revenir. Enfin, quelle importance ? Les rêves n'étaient bons qu'à s'effacer de toute façon.

Afin de s'ancrer convenablement au monde de l'éveil, l'âme déboussolée laissa son regard glisser sur les alentours. Personne. Pas de monstres. Pas de méchants. Seulement elle et ses quelques peluches éparpillées jusque sur le sol, heureuses survivantes des crocs blancs d'un chiot inarrêtable qui traînait dans le coin. Au loin, à la lueur des lampadaires extérieurs que filtraient bien mal les volets, un synthétiseur jonché de partitions en tout genre. Tas de papiers informes qui, dans la nuit, ne pouvaient être lus par quiconque. Pourtant, l'un d'entre eux paraissait baigné par la faible lumière extérieure et offrait aux plus téméraires, la possibilité de lire son contenu. River Flows In You. À peine le titre fut parcouru par l'eau de ses iris que la mélodie vînt se jouer à ses oreilles. Un air digne des plus douces berceuses qui eut vite fait de calmer son poul encore palpitant.

Elle adorait ce morceau. Et pour sûr, c'était le premier qu'elle avait appris. Une rivière d'agréables souvenirs la submergea alors qu'elle s'asseyait au bord de son matelas. Une voix qu'elle n'avait pas entendu depuis des années lui revint en tête tandis qu'elle se remémorait ses premières leçons. Qu'est-ce qu'elle avait pu être piètre musicienne à cette époque. Et qu'est-ce que son enseignante avait pu être patiente. La bienveillance qu'elle lisait dans sa voix, même une demie décennie plus tard, lui arracha un sourire. Sa mère lui manquait terriblement, mais la nostalgie de l'instant avait le don de la réconforter après cette terreur nocturne.

Le Nom qu'Elle m'a Donné [Tokyo Ghoul]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant