Au creux d'abysses impénétrables, dans les ténèbres et le noir infini d'un univers sans temps ni gravité, une petite lueur se bat pour s'épanouir dans l'obscurité. Comme une flamme vacillante au gré du vent, elle danse, se tord, se couche et se redresse. Tel un animal prisonnier d'un sac en toile de jute, elle semble vouloir s'extraire d'une cage imaginaire. Soudainement, les chaînes paraissent céder sous la pression et enfin, de la frêle silhouette de lumière s'échappe une touffe de cheveux aussi charbonneux que la nuit qui l'entoure.
Si jusqu'à présent la scène avait pu paraître familière à l'observatrice de cette action, l'apparition de cette masse capillaire, bientôt suivie d'un visage en partie camouflé derrière ses mèches, la surprit. Dans la sombreur, deux personnages se faisaient face là où auparavant, il n'y en avait qu'une. Deux personnes aux airs bien familiers. Deux visages aux traits jumeaux. Deux silhouettes semblables et pourtant loin d'être identiques. L'une était adulte, quant à l'autre, l'enfance la gardait encore bien confortablement prisonnière de ses bras.
« Q-qui es-tu... ? se risqua à demander l'aînée, peu sereine face à cette enfant bien mystérieuse. »
Il n'y eut aucune réponse. Au lieu de cela, la cadette se plut à observer son interlocutrice d'un regard perçant. Un air impénétrable était plaqué sur son jeune minois, une expression que l'on ne retrouvait que très rarement chez les petits. Où était donc passé l'insouciance ? La joie ? L'enthousiasme ? Il était impossible de lire quoi que ce soit de semblable au fin fond de ses iris bleus.
L'état physique dans lequel elle se trouvait en disait long sur son état mental. Vêtue d'une simple tunique mal ajustée et comptant bien des tâches, ses cheveux avaient été laissé libre de pousser jusqu'au bas de son dos. Emmêlés, elle ne semblait pas connaître la brosse ni même quelconque shampoing ou savon. Pourtant, malgré ce manque de vie et d'hygiène, Sana voyait en elle la petite fille qu'elle n'avait jamais été. La benjamine qu'elle avait oubliée. Cette enfant était donc la représentation qu'elle se faisait de sa jeunesse ? Elle n'avait aucun souvenir de cette époque, et pourtant, la pauvre brunette lui parut si proche. Son inconscient se rappellait-il de quelque chose ? Tentait-il de lui faire passer un message ? Mais si oui, lequel ?
« Qu'est-ce q-que tu veux ? interrogea à nouveau la plus âgée avec l'assurance que sa curiosité lui avait permis d'acquérir.
- Maman. »Enfin une réponse. Une jeune voix, en accord avec son physique. Un brin aigüe et juvénile mais plein d'espoir. Elle souhaitait donc retrouver Sachi. L'enfant qu'elle se voyait être en elle réclamait sa mère, perdue dans l'obscurité. Quoi de plus normal ? Alors qu'en cette sombre période elle avait goûté à la solitude, le besoin de retrouver les bras maternels de sa très chère maman s'était sans doute fait sentir au fin fond de son esprit. Ainsi, son cerveau appelait à l'aide par l'intermédiaire d'une petite fille, lui faisant comprendre qu'alors qu'elle avait perdu ses parents, elle avait encore cruellement besoin d'eux. La brune sentit sa gorge se serrer. Elle se souvint un instant de la chaleur de l'étreinte de celle que sa cadette quémandait et elle n'en eut que plus froid. Le vide laissé par ses embrassades qu'elle ne connaîtrait plus la fit se sentir vulnérable et encore plus isolée. Venant serrer contre elle ses propres bras, comme une embrassade à elle-même, les larmes montèrent.
Pourquoi alors que son père venait de la quitter, c'était Sachi qui venait à lui manquer davantage en cet instant ? Ne voulait-elle pas, à titre égal, les retrouver tous deux si cela était possible ? Bien sûr que si. Cependant, il y avait une douleur étrange qui persistait quant à l'absence d'une mère. Comme si, le manque avait été plus profond. Comme s'il n'y avait pas eu que Sachi ou Fujio. Quelqu'un d'autre. Cette douleur, elle se logeait dans son cœur et pourtant, elle n'avait pas l'impression qu'elle lui appartenait totalement. Cette douleur trouvait sa source auprès de la petite aux longs cheveux de jais, qui comme par contagion, partageait avec elle ses malheurs sans pour autant les expliquer.
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Le Nom qu'Elle m'a Donné [Tokyo Ghoul]
Fanfiction__________________ Je pense que du plus loin que remontent mes souvenirs, je n'ai jamais été seule. Oh bien sûr, le sentiment de solitude m'a touché parfois... plusieurs fois même, mais aujourd'hui je comprends. Je comprends que peu importe si tout...