II. songe

5 2 0
                                    

          J'ai très peu de souvenirs de lui. Du moins, consciemment, je ne garde que quelques flashs. Et je ne peux même pas dire si ils sont réels ou si ils sont une création de mon imagination stimulée par le manque d'un repère masculin durant mon enfance. Il me revient souvent en rêve. Il est très proche des photos que j'ai de lui. Mais ses mouvements, sa voix, son sourire… sont-ils fidèles ? Peut-être pas… et peu importe en fait. Il me manque. Ça me permet de le voir et c'est tout ce qui compte pour moi.

          Et quand je dis « moi », me suis-je au moins présentée ? Oui je vous ai dit mon âge, sachant qu'ordinairement, c est bien la dernière information que j'ai envie de donner. Je m'appelle Mélanie. J'ai grandi en Normandie. Mon père, je vous en ai déjà parlé... un peu.
Ma mère vit toujours là bas. Elle n'est pas ma meilleure amie. Elle a pourtant fait ce qu’elle a pu quand papa est mort. Mais qu'y peut elle face à l'absence d'un père ? Elle n'a jamais refait sa vie. Elle fait parti de ces gens qui croient à l'amour unique. Ce n’est pas mon cas. On se parle de temps en temps mais les conversations restent plates et banales. Elle me parle de lui de temps en temps. J’aime bien ça. On se voit deux fois l'an et ça nous suffit à toutes les deux.

          En gros, voilà le décor de mon existence. Je ne suis pas malheureuse. Je gagne bien ma vie et mes amis sont sympas. Je passe le plus clair de mon temps entre le bureau et mon appart.
D'ailleurs, il est déjà tard lorsque j'y reviens. Ça m'a fait du bien de pouvoir lui parler malgré le manque de réponse qui me laisse parfois vide et pensive. J'allume la petite lampe tamisée du salon qui donne une couleur orangée à la pièce. La douceur qui s’en dégage donne au lieu un sentiment de confort et de sérénité qui me va bien. Assise sur le canapé, je m'enroule dans le plaid en laine écossaise que Steph m'a offert au retour d’un voyage. Alors que ma respiration devient lente et profonde, je me laisse aller à mes divagations mentales ,la journée fût un peu longue et mon corps me le fait sentir.
……………

J’écoute l'histoire de la maîtresse. Le loup qu'elle décrit me fait un peu peur. J’espère que c'est bientôt l'heure des mamans. Mes copines fixent la conteuse avec des yeux grand ouverts. On a beaucoup joué dans la cour même si des fois on se chamaille. Vivement la fin de l'histoire car après ça, je rentre à la maison. Je finis d’écouter malgré tout et nous retournons à nos chaises. Juste au dessus du bureau, il y a des dessins. Celui du milieu c est le mien, j y ai fait un beau sapin avec des décorations de Noël. J aime bien les couleurs qui clignotent quand c est les fêtes. La maîtresse tape dans ses mains, ce qui veut dire que papa ou maman doit être dehors à m'attendre. Je regarde à travers la vitre de la porte. Je le vois, il me regarde. Il est plus grand que les autres papas, et en plus il sourit quand il me voit. La maîtresse m’appelle. Je cours vers lui, il me serre dans ses bras, j’ ai du mal à respirer mais j aime bien quand il fait ça . Il me passe mon manteau et mon bonnet . Il sourit encore et me regarde tout le temps. Je me sens pleine de joie surtout quand papa vient avec sa belle voiture.
Elle est un peu vieille mais il en est très fier et il me dit souvent qu’un jour, elle deviendra une voiture de collection. Je monte à l’arrière et lui s’installe au volant. Il se retourne pour s'assurer que je suis bien à ma place avant d’élancer La voiture sur les routes de campagnes qui mènent à la maison. A son rythme, je le vois profiter de ce moment qu'il aime tant. Entre père et fille, je me sens unique.
Il jette un œil à l’arrière et me demande quelque chose mais je n'entends pas. Sa voix est lointaine ,presque imperceptible. J'essaye de lui répondre mais aucun son ne sort de ma bouche. Il essaye de se faire comprendre mais le bruit du moteur est de plus en plus bruyant. Un sentiment d'isolement s'empare de ma poitrine. Les sièges avant s’éloignent de plus en plus, je commence à paniquer, à tendre les bras pour qu'il me rattrape mais rien n'y fait il s’éloigne...

          Je m'éveille sur mon canapé. Je ne suis pas surprise même si mon cœur palpite plus qu'il ne le devrait. Je fais souvent ce genre de rêve. Je m'y habitue et, bien souvent, après quelques minutes, j'ai un sourire qui se dessine sur mes lèvres. Je suis contente de le voir et de l'entendre. Mais il me laisse, encore une fois ….

Grâce a toi Où les histoires vivent. Découvrez maintenant