IV. La soirée

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          Il est 14h lorsque j'arpente les rues de la ville. Le weekend est propice à la balade, moment de détente du tout-un-chacun évacuant le trop plein d'émotions néfastes d'une semaine trop souvent consacrée à un travail subit pour une misère pécuniaire permettant à peine quelques loisirs. Certains se mettent au vert en s'éloignant du centre et profitent du calme des forêt alentours. D'autres, plus citadins, se pressent dans les centres commerciaux et restaurants qui foisonnent dans cette fourmilière humaine au manque d'organisation collective.

          Le froid glaciale de la journée donne à la ville un petit air de station alpine sans en avoir les avantages. Le vent quelque peu mordant, rempli les magasins de la rue principale et quelques enfants jouent avec la fine couche de neige de la place déjà en train de fondre et laissent des éclats de rire spontanés s'envoler à travers les rues étroites de la cité.

          Je remonte l'avenue Montaigne, bifurque à droite le long du cinéma et me dirige vers le café de la fontaine. Steph doit déjà être arrivée et je l'imagine pester à l'idée de mon retard souvent excessif. Un sourire apparut sur son visage lorsqu'elle m'aperçut et le peu de colère qu'elle ressenti grâce à ma ponctualité approximative s'envola aussitôt.

- "Je t'ai commandé un cappuccino et je suis ravie que tu ne le laisse pas refroidir, celui-ci!" me lança-t-elle d'un air provocateur.

- "tu en fais des tonnes! Une amie n'est jamais en retard. Ni même en avance d'ailleurs... Elle arrive précisément à l'heure prévue!" Répliquait-je avec un sourire en coin. J'ôta mes affaires et m'installa sur la banquette en cuir rouge du bistro.

          Notre conversation tourna autour du travail et de ses petits problèmes quotidiens. Ces petites choses sans importances qui, pourtant, ont le don de vous faire parler d'eux-même un jour de repos et qui savent vous pomper de l'énergie psychique sans en avoir l'air. La réflexion d'un patron, l'absence d'un collègue ou le manque de moyens, qui vous parasitent mentalement, qui sont capables de vous poursuivre jusque sous votre couette et qui vous permettent de veiller jusqu'à des heures nocturnes avancées. La magie de ces insomnies ponctuelles vous charge d'une fatigue lourde et collante, qui s'accroche à vos jambes et votre tête dès le lendemain et qui exacerbe vos côtés les moins présentables.

          Après quelques dizaines de minutes, les sujets les plus lourds sont épuisés et nos tasses encore chaudes sont vides. C'est le moment que l'on choisit pour quitter le troquet et rejoindre le coiffeur situé dans une rue parallèle. Steph se fit affublé d'un carré classique mais élégant, agrémenté de mèches claires discrètes.

           Il est 17h, nous nous séparons et je rejoint mon appartement. Pas que j'étais pressée mais quelques heures de repos me feront du bien avant la soirée prévue par les deux zigotos. Le choix de la tenue ne sera pas chose aisée non plus.

           Finalement, après une inspection complète de ma garde robe, des essayages en série à la manière de Julia Roberts, je choisi un pantalon cintré et un haut rouge laissant apparaître mon dos ainsi qu'une vue que j'imagine agréable sur mon décolleté.

          Steph choisit un pub du centre ville. La musique est sympa et surtout, on sera en mesure de bavarder aisément. Les discothèques bondées de corps abreuvés d'alcool, se bousculant dans un vacarme assourdissant sous des lumières stroboscopiques agressives ne sont définitivement plus de notre âge.

          Après avoir rejoint le duo gagnant et le fameux pub, mon regard s'attarda sur le décors de l'endroit. Un style baroque donnant une ambiance certaine au lieu, me laisse un sentiment agréable de dépaysement et de confort luxueux. Nous prenons la décision de descendre quelques bières ponctuées de rires et l'emballement à chaque début de chansons populaires ayant bercées notre enfance dans les années 80 devenait de plus en plus excessif. La soirée avança et je me laissait emporté par l'euphorie collective, l'anesthésie narcotique savait me rendre légère et terriblement positive. Après tout, chacun a besoin de décompresser de temps à autre, et quitte à le faire, il faut le faire correctement. De toute façon, la tour de contrôle ne répond plus, le compte à rebours est lancé et chaque pinte est le fracas d'un maillon constituant la chaîne garante de ma raison.

          Le retour chez moi fût quelque peut chaotique mais évidemment épique. La longueur du trajet menant à mon appartement s'était fondamentalement rallongée. Les ondulations de ma démarche n'y sont sûrement pour rien, le verglas sûrement... J'imagine que mon état d'ébriété avancé m'empêchait de me voir tituber le sourire aux lèvres mais les quelques passants qui croisèrent ma route n'avaient pas cette faculté. Les derniers mètres qui me séparaient de mon lit furent un vague souvenir d'une soirée mémorable et libératrice mais qui allait se payer cash dès le lendemain. Ce que je ne savait pas, c'est qu'elle allait être le déclencheur d'un renversement tellement énorme, que ma vie allait basculer à tout jamais.

          Pour le moment, j'arrive à situer mon lit. Dans un nuage épais et flou, j'en conviens. je ne pris pas la peine de me déshabiller, mes compétences physique étant légèrement atteintes d'une incapacité temporaire de travail. Je m'allongea. Le sommeil ne mit pas longtemps à me piéger et j'aurais aimé pouvoir appuyer sur le bouton mise en veille moi-même mais mon corps s'en chargea tout seul...

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