*Novembre*
9 novembre 1997
Le temps défile à une vitesse, Journal !
Je n'ai pas trouvé une seule minute pour venir chatouiller tes lignes de ma plume.J'ai commencé les cours de danse dès mon retour de France, et puis, dans la foulée, la rentrée des classes.
L'école ? Bof !
La danse ? J'adore !Il y a eu plusieurs sessions de stage pour choisir le type que l'on souhaitait pratiquer. Les profs avaient mis en place différents ateliers et démonstrations avec les élèves de l'année précédente.
Je me suis essayé au moderne jazz, rock, hip-hop et latine.
À chaque essai, je me suis senti super bien : une réelle sensation de liberté. J'étais un garçon normal, sans maladie, sans rondeur : juste moi.T'inquiète pas, Journal. J'avais mon ange gardien près de moi.
Mama n'a pas arrêté de me demander après chaque pas de danse : « Tu te sens bien ? Pas de douleur dans la poitrine ? Pas trop fatigué ? Prends ton pouls ! »
En soufflant et en posant mon index et mon majeur au niveau de mon cou, j'ai rétorqué plusieurs « non ».Je l'aime, ma maman, mais là, elle me mettait la honte devant les autres à me materner comme un bébé.
Je sais qu'elle est préoccupée à cause de ma maladie, et cela depuis ma naissance.
J'ai un épaississement important des parois du cœur, en particulier celle qui sépare les deux ventricules, appelée septum.
Elle a été décelée rapidement dans mes premières années, grâce au grand-père de Fabrizio, l'oncle de mon père, qui en est décédé. Toute la famille a dû faire une batterie de tests. Mon cousin et moi sommes les seuls à en avoir hérité.
D'après les explications du cardiologue, la cardiomyopathie entraîne rarement des complications, mais nous ne devons pas les sous-estimer. Je dois donc faire attention à l'insuffisance cardiaque, à l'accident vasculaire cérébral et à l'endocardite infectieuse, qui m'oblige du coup à prendre des antibiotiques avant chaque visite chez le dentiste.Pourquoi Journal ?
C'est pour éviter que des microbes passent par le sang lors des soins dentaires et se déposent sur la valve entre l'oreillette et le ventricule gauche.
Cependant, la pire des complications est la mort subite : elle survient souvent au moment ou juste après un effort violent, d'où mon interdiction sportive.Alors, j'ai fait un deal avec Mama et le médecin : j'ai promis d'aller en consultation cardiologique tous les deux mois pour faire un check-up complet. Et, pour rien au monde, je manquerai à ma parole : je me suis découvert une passion.
Je surkiffe la danse.
Donc, pour nourrir ma soif de bouger, j'ai choisi comme cours le moderne jazz, la salsa et le tango argentin.
Merde ! Il faut que je t'abandonne : Raffaele vient de m'appeler ; sûrement pour l'aider à mettre la table.
12 novembre 1997
J'ai un peu de temps : je suis dans la salle d'attente pour ma visite chez le cardiologue, et il a toujours du retard.
Et je stresse ; j'ai besoin de te l'écrire Journal : je ne veux surtout pas le dire ou le montrer à Mama. Elle-même est très nerveuse. Elle se lève, prend un magazine, tourne les pages sans vraiment lire et le repose, pour ensuite se ronger un ongle. Toujours le même, l'index droit.
Moi, j'ai peur que l'auscultation se passe mal, que tout s'arrête comme ça, d'un simple claquement de doigts. Mais il n'y a pas de raison : c'est vrai que je me sens bien, et puis Felipe fait attention à ne pas trop m'essouffler entre chaque cours.
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Le journal de Lorenzo
RomanceLorenzo Contarini est un homme d'affaire influent, héritier d'un groupe hôtelier. Mais avant d'être cet homme, il a été un petit garçon, un ado. Le jour de son anniversaire, pour ses treize ans, sa grand-mère lui offre un journal. Au début septique...