1. Angela

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Cinq années.

Nous avions vécu cinq années de pur bonheur avant ce moment fatidique.

Le moment qui a fait basculer nos vies dans un engrenage sans fin.

Ce moment où j'ai dit oui, ce moment où j'ai accepté.

La première fois que nous nous sommes rencontrés, il ne m'a pas draguée comme les vulgaires parasites tenant un mur dans la rue. 
Non, il n'était pas comme les autres.
Il m'a fait la cour comme un véritable gentleman.

Il me faisait livrer des fleurs sur mon lieu de travail.

Il avait même envoyé des musiciens chanter des chansons d'amour sous ma fenêtre.

Il m'écrivait des poèmes dans lesquels il me suppliait d'accepter une invitation à dîner.

Au bout de quelques semaines, j'ai fini par accepter.

Une véritable complicité est née de nos rendez-vous.

Et un soir, dans un restaurant très chic, j'ai découvert une somptueuse bague de fiançailles au fond de ma flûte de champagne.

J'en ai pleuré de joie.

Malgré une date fixe, nous avons dû repousser le mariage.

En effet, de ce merveilleux conte de fées, un heureux événement est arrivé.

Quand je lui ai annoncé ma grossesse, je n'avais jamais vu un homme aussi heureux.

Il était si ému.

Nous nous sommes mariés bien plus tard pour fêter nos cinq ans, entourés de nos proches.

J'étais comblée.

À peine quelques jours après, alors que je m'occupais du dîner, l'homme de ma vie jouait aux jeux vidéo, une de ses rares addictions.

Je la pensais innocente.

Après tout, il avait bien le droit de se détendre, il travaillait dur.

Mais ce soir-là, il était particulièrement agité.

Une fois de plus, l'écran affichait ces quelques lettres qui avaient le don de le mettre hors de lui : GAME OVER

Cette fois, c'était de trop pour lui. 
Il pesta comme jamais.

-Arrête de t'énerver comme ça ! Rigolais-je, attendrie plus qu'autre chose devant sa petite moue boudeuse. 

-Ta gueule ! Grogna-t-il

Avais-je mal entendu ?

-Je te demande pardon ?

-Ferme ta gueule ! Répéta-t-il

J'étais choquée, indignée.

Il ne m'avait jamais parlé comme ça.
L'homme que j'avais épousé ne m'aurait jamais manqué de respect.
Je refusais de me laisser faire.
Il était hors de question qu'il devienne ce genre d'homme.

Je me plantais devant l'écran de télévision, raide comme un I.
Je le regardais droit dans les yeux de toute ma hauteur.

-Tu ne me parle pas comme ça ! Je suis ta femme , pas un chien ! Je ne mérite pas de me faire insulter à cause d'un simple jeu !

Il me fixa avec un regard haineux.

Il se mit lentement debout.

Il serra le poing.

Il leva le bras.

Et là, ce fut le choc.

Son poing rencontra ma joue.

La douleur était inouïe.

Ma joue était en feu.

Mon crâne vibrait.

Je suis tombée sur le sol, soit de surprise, soit sous sa force. 

Mais peu importe, j'étais de toute façon incapable de réfléchir.

Il a pris sa veste, ses clés de voiture et il est sorti de la maison.

Cette nuit là, je n'ai pas trouvé le sommeil.
Je n'ai fait que verser des larmes en pensant à ce que je venais de vivre.

Était-ce réel ?

Je ne pouvais pas le croire !

Je l'ai entendu rentrer. Aller dans la chambre de notre fille pour l'embrasser dans son sommeil et s'installer dans notre lit après m'avoir embrassé sur le front comme si de rien n'était, pour enfin s'endormir paisiblement.

Alors faisait-il parti de ces hommes qui couvrent leur femme de fleurs et de cadeaux pour se faire pardonner d'avoir passé leurs nerfs sur elle ? 

J'allais en avoir le cœur net dès le lendemain.

Au petit matin, alors qu'il prenait un petit déjeuner sur le pouce avant d'aller travailler, je l'ai intercepté pour lui parler.

Il regarda ma joue :

-Houla ! j'espère que tu as un bon blush !

On était très loin de l'homme humble et repentant.

-Tu m'as frappée et tu le prends à  la légère ? ripostais-je 

-Quoi ? Soupira-t-il, on est mariés maintenant ! Tu m'appartiens, tu es ma chose ! Bon allé, bonne journée à ce soir.

Je restais tétanisée pendant de longues minutes après qu'il ait claqué la porte.

Pendant cinq ans, il a été parfait et aujourd'hui il me montrait son vrai visage.

Nous avions un crédit voiture, un crédit immobilier. Nous étions mariés et surtout nous avions une merveilleuse petite fille.

Ma vie était pour ainsi dire tracée. 

Il savait qu'après tout ça, je ne partirai plus facilement.

Entre les lois, l'administration, l'argent, les décisions à prendre, les choix à faire et l'avenir de mon enfant, j'étais coincée.

J'étais sa chose.

À toutes les personnes qui jugent et critiquent les femmes battues car elles ne partent pas ou mettent du temps à le faire, réfléchissez bien.

Projetez-vous dans cette situation et posez-vous la question : Et si c'était moi ?

Fin

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