Chapitre 1 : (1/3)

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          Une autre journée dans la peau de Coline. Plus exactement, cette journée est celle de mes dix-sept ans. Une nouvelle journée à parler garçons et maquillage avec mes prétendues amies. J'ai peur de ne jamais pouvoir être Colin pour de vrai. Comme ci cela était impossible. Encore une journée à faire semblant. Toujours faire semblant. Cacher ce corps que je déteste, mais sans faire croire à quiconque qui suis-je. Ces personnes avec qui je sors, avec qui je parle en cours, avec qui je suis « bien plus qu'une simple amie oulalala » ne sont que des personnes toxiques, mauvaises et homophobes ainsi que transphobes à souhait. Je ne sais plus ce que je fais là, à cacher mes avant bras mutilés par la douleur et le secret.

« Salut Coline ! Joyeux anniversaire ! me dit Sarah »
J'allume alors une cigarette devant ce lycée miteux nommé Jeanne D'Arc.
« Merci beaucoup. Les autres ne sont pas encore là ?
_ Elles ne vont probablement pas tarder ! »
En effet, ces autres amies sont arrivées dans la foulée.
« Je propose d'aller boire un verre ce soir en l'honneur de Coline, dit encore Sarah. Qui est partante ? »
Je n'ai vraiment pas envie d'aller boire un verre. Mais chacune est partante. Je n'ai plus le choix.

Une nouvelle journée passe. Je meurs de l'intérieur un jour de plus. Les cours s'enchaînent, sont longs. J'ai envie de jeter mon exemplaire de La Princesse de Montpensier, mais je ne peux le faire car cela ternirai ma réputation, et je dois garder mon image d'élève modèle et qui a sauté une classe. S'ils savaient comment je suis à l'extérieur. Mais personne ne le sait dans ce lycée. Car personne ne connaît Colin.

Dans la ligne 2 qui m'amène chez moi, je réfléchis à quoi faire pour être moi-même. Mes écouteurs sur les oreilles passent la chanson Paradoxe de Tim Dup, un chef-d'œuvre musical. Comment faire pour être réellement Colin ? Je préférerai mourir que de vivre encore un jour en tant que Coline. Mais, ai-je le choix de la mort ? Malheureusement non. Je reste en vie. Probablement grâce à l'espoir d'un jour être la personne que je suis. En attendant un quelconque changement, je me détruis petit à petit avec un corps entièrement mutilé, des poumons noircis par le tabac, mon foie abimé par l'alcool.

Je sors du bus, marche quelques mètres, puis rentre chez moi. Je balance mon sac sur mon lit, ouvres mon agenda : rien pour demain. Je me mets alors à faire du sport, comme tous les soirs. J'essaie encore de cacher cette maudite poitrine avec des bandes, mais rien n'y fait. Le miroir est mon pire ennemi. Je le hais. Et je frappe dedans. Mon poing me brûle et le sang chaud coule entre mes doigts. Puis l'eau du robinet coule entre mes doigts, ainsi que les larmes salées sur mes joues. Je ne pleures pas de douleur physique, loin de là cette idée de pleurer pour quelque chose de si futile.

Non.
Je pleure car je ne peux pas être qui je suis.
Car ma vie est trop basique.
Car je suis un abruti sans nom.
Car je me déteste.
Car je suis un monstre.

Je bois alors quelques gorgées dans ma bouteille de whisky, puis panse mes blessures.

Sorti de la douche, je me regarde dans le miroir de la salle de bain totalement nu. Celui-ci n'est pas cassé. Je regarde mes seins bien trop gros, mon corps bien trop usé, mes cheveux bien trop longs. Je peux remédier à au moins l'une des choses. Je bois à nouveau quelques gorgées, puis allume une cigarette, assis sur la baignoire. J'attrape la paire de ciseaux posé à côté de la vasque, puis coupe mes cheveux en dessous des oreilles.

Merde.

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