Chapitre 1: (2/3)

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          Les cigarettes et les bières s'enchaînent dans ce bar un peu trop chic. Je n'ai même pas envie d'être là. La capuche de mon sweat gris toujours sur ma tête, je ne compte pas la retirer. Les conversations sans intérêt s'enchaînent, et je rallume une cigarette.

« Beurk, dit Léa.
_ Qu'y a-t-il ? demande Sarah
_ Des homos.
_ Mais laisses les s'aimer! Ils n'ont pas demandé ton avis, dis-je en m'exclamant. »

Tout mon « groupe d'amies » me regarde. Je me sens gêné. Je me sens rougir. Je déteste être au centre de l'attention : en effet, bien que je sois là pour mon anniversaire, je n'ai pas encore parlé. Je ne sais quoi dire. Ni faire. J'aimerai partir de cette place, rentrer chez moi et pleurer en me masturbant dans mes draps.

« Quoi ? dis-je enfin
_ Bah t'as le même discours qu'une goudou, rapplique Léa.
_ J'ai juste le discours qu'une personne ouverte d'esprit, qui trouve ça con de juger les gens sur leur orientation sexuelle. T'aimerai qu'on t'extermine car tu aimes quelqu'un ? Non.
_ Mais t'as quoi Coline ? Tu broutes du minou maintenant ? dit-elle avec une voix toute mielleuse
_ Non ! Bien sûr que non...
_ Puis s'ils se faisaient exécuter, ils n'avaient qu'à pas choisir d'être homo.
_ J'ai vu sur internet qu'Hitler était juif et gay, et que c'est pour ça qu'ils voulaient exterminer ces gens, dit Sarah. »

Point Godwin atteint. Je profite du débat général pour éteindre ma cigarette à moitié fumée dans le cendrier débordant et m'éclipser aux toilettes. Face au miroir, je me dévisage, puis retire ma capuche : un désastre. Certes, mes cheveux sont courts, mais je ne les assume pas, et en plus c'est coupé n'importe comment. Je suis encore plus moche qu'avant. Le maquillage que je me suis forcé à porter a coulé.
Je suis une abomination.
Je suis un monstre.
Je suis horrible.

Je remets ma capuche puis sors des toilettes pour rejoindre mes hypocrites amies sur la terrasse. Elles ont déjà changé de sujets, et parlent de je ne sais quelle célébrité.

« Joyeux anniversaire, joyeux anniversaire, joyeux anniversaire Coline, joyeux anniversaire ! »

Je suis encore plus mal à l'aise en voyant un marbré arriver à notre table, accueillit par une chanson d'anniversaire mal chantée. Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ?

« Tu peux retirer ta capuche pour la photo ? demande Sarah
_ Non. »
Elle lâche sa position de photographe amateur puis me regarde avec ses yeux foncés.
« T'es sérieuse Coline ?
_ Oui. »
Je sens ma capuche glissée de mes cheveux, tirée par une de mes « amies ». Plus personne ne parle. Il faut que je trouve une excuse.
« Avant de partir, j'avais fait une queue de cheval (je m'attache rarement les cheveux) et mon petit frère (je suis enfant unique) a coupé dedans. Maintenant, merci de ne pas retirer ma capuche. »

Et puis merde. Je m'en vais de ce bar, seul, pour rentrer chez moi. Les vitrines des magasins fermés illuminent les trottoirs. Mon téléphone indique 22 heures 14, et lance 70 de Lomepal dans mes écouteurs. Je n'ai pas envie de rentrer ce soir, ou pas de suite. Je ne veux pas voir mes parents, et entendre leurs « alors tu es déjà rentrée ? » ou leurs « c'était bien avec tes copines ? ». Non. Je veux juste traîner dans la rue, m'assoir sur un banc, écouter de la musique.

Une cigarette. Puis une autre. « Tu sais que c'est mal de fumer Coline, pourquoi tu continues ? Tu vas mourir d'un cancer des poumons. » si seulement je mourrai d'un cancer des poumons avant de mourir d'une corde, d'une overdose de médicament, d'une balle, d'un saut dans le vide, d'une lame.

« Ça ne va pas ? »
Un homme d'une vingtaine d'années s'assoit à côté de moi.
« Qui va bien ? Personne ne va réellement bien. Le bonheur n'est qu'une illusion. Tout le monde cherche le bonheur, et parfois, les gens pensent l'avoir trouvé. Mais ce n'est qu'illusion.
_ Le bonheur ce n'est pas quand tout va bien. Le bonheur, c'est quand nous arrêtons de mentir à tout le monde, quand on est bien dans notre peau, dit le mystérieux inconnu. Ça se voit que tu es ce genre de personne, le genre de personne qui se ment et qui a juste besoin d'être écoutée.
_ Parce que toi tu peux m'aider peut-être ? Non. Désolé. Tu ne peux pas. Tu ne veux pas. Pourquoi tu es là toi ? Sur ce putain de banc ?
_ Mon petit ami m'a quitté ce soir. Et toi ?
_ Oh... pardon... »
J'explique à l'inconnu mon anniversaire de ce soir, mes amies.
« Mais toi ?
_ Moi ?
_ Pas tes amies ou ton anniversaire. Toi.
_ Je ne peux pas. Ne veux pas.
_ Je comprends. Tiens. »
L'inconnu écrit son numéro de téléphone sur un papier avec son nom. Daniel.
« Merci. Je ne suis pas intéressé... Daniel.
_ Je suis gay. C'est juste pour t'aider.
_ Oh... merci alors. »

Daniel part. Et je reste sur le banc.
Seul.
Avec mes écouteurs. Et ma solitude.

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