00 - Un monde cruel - partie 1

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L'ivresse sexuelle : le dernier état de plaisir qu'il est possible d'atteindre pendant un rapport amoureux. Et ma malédiction.

 Je vivais l'une des vies les plus simples possibles, dans les plus simples des temps. Ou du moins, c'est ce que je pensais. Evely, ma mère, était une renarde commune, jeune et belle, avec sa fourrure brune, ses cheveux longs de même couleur et ses yeux bleus. Elle avait fait son foyer dans un petit village de paysannes, dans les basses-terres de l'est du royaume draconique, espérant être loin de leur joug. A défaut d'être grande ou forte, elle avait choisi d'aider la communauté en faisant le plus vieux métier de notre monde : porteuse de vie. Elle donna naissance à bien des filles avant moi, et encore plus après, mais je fus la seule qu'elle n'expédia pas au centre éducatif.

 J'étais sa petite exception. Tout le monde en ville m'avait surnommée leur éclat, faisant allusion à ma claire fourrure blanche-argentée brillante, et mes yeux bleu-glace. Même ma mère s'en était inspirée lorsqu'elle m'avait donné mon nom : Silvine. Je n'avais que deux endroits sombre sur le corps : mes longs cheveux tombant sur le coté de ma tête, avec parfois une mèche sur le museau; et le dessus de ma seconde queue semblable à celle d'une louve, et bien courte à côté de l'autre touffu et duveteuse de renard. J'avais demandé une ou deux fois à en savoir plus sur mon géniteur, le mâle à qui je devais ces particularités, puisqu'il n'y en avait aucun dans notre village, mais je n'ai jamais eu de réponse. "Nous n'avons pas à nous occuper des mâles, ils ne font que leur travail dans ce processus, mais ne font partie d'aucune famille", alors je suis passée à autre chose.

 J'ai donc grandi entourée de personnes bienveillantes, et fit de mon mieux pour les aider dans toutes leurs corvées. De la récolte de nourriture au nettoyage des lieux de vie, j'ai même aidé notre forgeronne à confectionner de charmantes tenues, comme mon pagne à chaînettes dorées. La vie n'avait aucun sens. La vie avait tout son sens. J'atteignis l'âge de ma première chaleur sans trop y prêter attention, contrairement à d'autres qui étaient pressée de donner leur premier né. Ma mère elle-même m'expliqua de ne me lancer que lorsque je me sentirais prête. Alors je laissai passer le temps, beaucoup de temps, trop de temps. Ce fut la première erreur qui m'amena vers ma malédiction.

 Nous fûmes idiotes de croire que notre liberté ne comportait aucun risque. Nous n'étions pas le seul village des environs, et nous avions certes quelques femelles qui savaient se battre. Elles n'étaient pas des soldates entraînées, mais avec l'aide d'aventurières de passage, elles arrivaient toujours à nous protéger des bêtes venimeuses qui apparaissaient de temps en temps. Mais nous n'étions pas préparées pour la plus grosse menace : nos propres espèces. Nous ignorions perpétuellement les rumeurs à propos de disparition dans le Nord, pensant qu'elles n'étaient que des malheureuses tombées entre les griffes des monstres. Regrettablement, les filles de ranch finirent par arriver chez nous.

 Un groupe de félines suréquipées, menées par une hyène vêtue d'or, d'argent et même de cuir débarquèrent dans notre village, et hurlèrent dans tous les sens afin de rassembler tout le monde devant eux. Elles n'hésitèrent pas à entrer de force dans les maisons et à jeter dehors les pauvres gens. Elles étaient plus grandes et plus fortes que nous toutes. Certaines tentèrent de se défendre, mais nos fourches et nos lances mal taillées n'étaient rien comparées aux épées que les bandits portaient. Elles finirent au sol, blessées. Avec quelques autres, je fus assez chanceuse pour me cacher et ne pas me faire repérer. Ma mère n'eut pas cette chance.

 - Dirait qu'il y a tout le monde, gueula l'horrible femelle assez fortement pour que je l'entende. Semblerait que votre petit bourg soit sur nos terres fraîchement acquise...

 Sa troupe ricana.

 - ... Alors, en contrepartie, on va vous demander gentiment une compensation, pour nous aider dans nos affaires. On est pas là pour votre bouffe, votre boulot ou les quelques cristaux que vous n'avez sûrement pas. On veut juste demander à l'une d'entre vous de nous suivre vers... eh bien, disons, de nouveaux horizons. De préférence dans la force de l'âge, avec une bouille charmante. Et nous reviendrons, comme aujourd'hui, les jours de solstice.

La guerrière aux yeux-coeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant