- Il est assez rare que quelqu'un choisissent le sol de mon laboratoire pour cuver son vin. C'est assez courageux. Je dois avouer que je suis impressionné.
Les yeux de Lilyn papillonnèrent au fur et à mesure qu'elle émergeait des brumes d'un sommeil particulièrement profond. La voix qui avait parlé l'en avait tirée de manière irréversible. Un flot de protestations lui vint à l'esprit. Elle voulait dormir encore ! Elle avait le sentiment d'avoir été arrachée à un rêve très agréable dont elle ne se souvenait déjà plus.
La jeune fille tenta d'ouvrir les paupières pour les refermer aussitôt, éblouie par une lumière vive qui ne semblait venir de nulle part en particulier. Au travers de sa conscience confuse, elle tenta de se rappeler ce qui s'était passé la veille, sans succès. La seule idée qui lui venait à l'esprit, persistante, était qu'elle avait fait une énorme bêtise. Mais impossible de savoir laquelle. Ce n'était absolument pas son genre de boire, pourtant.
Alors que Lilyn caressait la perspective de se rendormir et remettre à plus tard les problèmes qu'elle savait sur le point de lui tomber dessus, elle reçu un coup brusque à la cuisse qui lui fit pousser un gémissement éraillé. Sa voix lui sembla particulièrement altérée et sa bouche, pâteuse. Depuis combien de temps dormait-elle ? Rien à faire, tant qu'elle resterait à la frontière entre éveil et sommeil, elle ne s'en souviendrait pas. Il fallait qu'elle fasse un effort colossal. Lentement, l'absynthe ramena les bras le long de son corps, notant distraitement qu'elle se trouvait sur une surface froide et dure, avant de soulever légèrement son buste. Prise d'une soudaine nausée, elle poussa un gémissement douloureux et voulu se retourner dans son lit, ne parvenant qu'à faire glisser ses jambes nues sur ce qu'elle supposait être le sol de sa chambre.
Un à un, ses sens s'éveillèrent. De longues vagues de douleur venaient heurter ses tempes comme de l'écume sur la falaise. Parvenant à ouvrir des yeux encore embués de sommeil, Lilyn parvint à distinguer sur une paire de bottes bleues - probablement à l'origine du choc à la cuisse - juste devant sa tête. Son regard s'éleva lentement. Un pantalon blanc maintenu par une ceinture alourdie d'ailettes de silence, une besace creusée de de compartiments à fioles vides, des bandes de tissu de soie verte, une ceinture de corde nouée avec une légère négligence, une veste blanche...
Lilyn bondit sur ses pieds et s'effondra lourdement contre la table derrière elle, chancelante sur ses jambes affaiblies. Elle baissa les yeux et les vissa au sol, tant pour ne pas vomir que pour ne pas croiser le regard d'Ezarel. Elle ne pouvait plus voir que le bout de ses bottes et le vit reculer d'un pas tranquille, n'esquissant pas un geste pour la rattraper.
- Eh bien... Je m'absente quelques semaines et voilà comment je retrouve la garde. Si ton état est dû à la gueule de bois, c'est Eweleïn qu'il faut aller voir, fit-il remarquer.
Lilyn déglutit et leva prudemment les yeux, toujours très étourdie. Elle croisa le regard dédaigneux de l'elfe qui la dévisageait toujours, l'air ennuyé. Elle avait envie de disparaître, de mourir et de hurler à la fois. Discrètement, elle se pinça le bras au cas où. Mais elle était définitivement réveillée et confrontée à la honte de sa vie. Il fallait se justifier, vite !
- J-je n'ai p-pas la gueule de b-b-b... s'étrangla-t-elle.
Sa voix n'était guère plus qu'un murmure éraillé. Comme dans ses cauchemars quand elle était incapable de parler et de crier. Ezarel pencha la tête sur le côté d'un air perplexe et la dévisagea de haut en bas. Ce mouvement furtif lui fit réaliser un détail important : elle n'avait jamais été aussi près de lui. Il la dépassait toujours mais désormais, ils étaient face à face. Surprise par cette constatation, Lilyn se perdit dans ses justifications sans queue ni tête, sans plus vraiment écouter ce qu'elle racontait jusqu'à ce que les mots finissent par mourir dans sa gorge, sans plus personne pour les prononcer, là-haut, dans sa tête.
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Ezarel - L'autre visage de Lilyn
FanfictionLilyn est une petite absynthe studieuse et à première vue, terriblement banale. Banale pour une faery, du moins : un mètre quarante, un familier incapable de lui ramener autre chose que des chaussettes, apte à lire d'énormes livres ennuyeux pendant...