Chapitre 3 : les débuts d'un projet colossal

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Lilyn avait les yeux rivés sur sa fenêtre depuis de longues heures quand le ciel s'éclaircit enfin. Presque aussitôt, des pas cadencés résonnèrent dans le couloir au rythme des pas obsidiens en route pour patrouilles et entraînements. Prenant cela comme le signal qu'elle pouvait à son tour se lever, la jeune fille quitta son lit d'un bond, surexcitée par les nombreuses pensées qui se bousculaient dans sa tête et épuisée par un demi-sommeil rythmé de rêves confus et épuisants qui lui laissaient des réflexes brumeux.

Énumérant une liste mentale de ses projets pour la journée, elle s'aspergea le visage dans sa petite fontaine murale pour chasser les traces de fatigue et s'habilla d'une tunique simple et de ses habituelles chaussures de travail réglementaires adorées : cuir solide et semelles de plusieurs centimètres la grandissant légèrement en plus de protéger ses pieds des potions acides ou urticantes.

Elle réveilla son familier confortablement endormi sur ses vêtements de la veille, négligemment abandonnés près de son panier coûteux et l'envoya en exploration. L'animal ne lui avait jamais rien rapporté de réellement utile malgré sa chance, mais Purreru lui avait conseillé de ne pas le laisser s'empâter à ne rien faire.

Une fois le familier parti avec quelques grognements de protestation, elle se saisit avec impatience de la potion à l'abri dans son tiroir et s'installa à son bureau recouvert d'objets en tout genre, écartant d'un geste distrait les papiers froissés, carnets noircis de notes et Killer, sa plante animée perpétuellement de mauvaise humeur qui encombraient son espace de travail.

Sa chambre lui avait été offerte entièrement vide quand elle était entrée dans la garde quatre ans plus tôt, mise-à-part le strict minimum : lit, armoire et bureau. Les gardiens et gardiennes avaient pour habitude de la meubler au fur et à mesure de leur séjour avec l'argent des missions et Lilyn n'avait pas dérogé à cette règle, enthousiasmée par l'espace après les dortoirs collectifs du Refuge uniquement de quelques armoires et de lits superposés. La chambre était envahie de piles de livres presque plus hautes qu'elle, de bibelots sans valeur issus des explorations de Plume, d'expériences personnelles, de commandes en retard et de jouets pour familiers qui jonchaient le sol et sur lesquels elle ne pouvait pas s'empêcher de marcher en traversant sa chambre.

Lilyn fouilla quelques minutes dans le fatras et parvint à y dénicher un carnet comportant encore des pages vierges, un crayon de quelques centimètres et un coquillage à musique qu'elle s'empressa d'allumer. Alors enfin, elle déplia le feuillet et parcouru d'un regard impatient l'écriture empressée et brouillon.

Des lignes confuses et mal délimitées recouvraient la page dans tous les sens, recouvertes de commentaires absurdes parfois doublés de traits d'humour en complet décalage avec le niveau de difficulté de la potion. Les paragraphes raturés étaient recouverts de petits dessins colorés et chaque étape semblait écrite dans des langues anciennes et inconnues, voire même tournées sous forme d'énigmes.

Le texte n'était pas signé, preuve qu'il devait bien être issu du carnet de l'ancien chef de l'Absynthe - qui voudrait signer ses propres notes ? - mais la jeune fille ne pouvait pas réellement l'affirmer sans l'avis d'Ezarel ou de Miiko et c'était hors de question. Il faudrait prendre ce risque... Lilyn soupira. Elle n'avait jamais eu l'occasion d'étudier un texte aussi difficile et aussi confus, qui semblait avoir été écrit exprès pour faire tourner en bourrique celui ou celle qui voudrait le déchiffrer. Elle n'était ni Ykhar ou Nevra, plus aptes à décoder un texte de cette trempe mais elle ne se voyait pas aller le leur demander de l'aide, sans compter qu'ils étaient perpétuellement occupés.

L'absynthe secoua la tête et se saisit de son crayon afin de recopier la formule pour pouvoir écrire dessus sans risquer d'abîmer l'originale. Le recopiage était répétitif mais elle pouvait laisser son esprit vagabonder et comme à son habitude, elle pensa à son chef de garde. Grâce à lui, elle pouvait retranscrire le texte rapidement, car elle ne comptait plus les formules incompréhensibles qu'elle avait dû réécrire depuis son entrée dans l'Absynthe.

Ezarel - L'autre visage de LilynOù les histoires vivent. Découvrez maintenant