Ezarel - L'autre visage de Lilyn

Chapitre 11 : Adaptation et imprévus

Lilyn avait dû se lever aux aurores, comme tous les jours depuis une semaine, pour suivre un entraînement intensif destiné à la mettre à niveau. Elle avait frappé dans des sacs, fait des pompes, couru vite et longtemps et sauté par dessus des obstacles en bois.

Elle bailla ouvertement et s'étira en grimaçant : tous les muscles de son corps hurlaient au supplice, dont certains qu'elle ignorait même posséder. Pour ajouter à sa douleur, elle avait travaillé tard à la bibliothèque, en compagnie d'un Kéro qui passait toujours autant de temps à trier les livres de la réserve. Les missions qui lui étaient confiées étaient nombreuses et plus difficiles que ce dont elle avait l'habitude, mais elle parvenait encore à les rendre à temps, parfois un peu plus bâclée que ce dont elle avait l'habitude cela dit. La précision de ses gestes et de son esprit commençait à en pâtir et ses idées n'étaient pas aussi claires que d'habitude.

- Heu... Où en étions nous déjà ? demanda-t-elle en se grattant la nuque.

Sa partenaire de travail, une jeune fille dont le bas du corps était celui d'un gros serpent aux écailles jaune-vert, noua un masque de tissu autour de sa bouche pour empêcher sa salive de couler dans leur préparation. Elle venait d'effectuer avec brio une incantation de froid en ajoutant à leur mélange un solvant qui dégageait une brume gelée.

- Il faut faire l'étape trois, articula-t-elle difficilement, gênée par ses dents trop longues qui dépassaient de ses lèvres. Aïe ! Mes griffes sont devenues bleues, c'est malin. Tu peux t'en occuper ? Je vais préparer les ingrédients pour l'étape quatre.

Lilyn hocha la tête et attrapa la feuille pour relire les conseils qui y étaient inscrits. Pour effectuer la potion en entier, il fallait en réalité un total de douze heures. Mais le mélange ne nécessitait pas d'être préparé d'une traite et les différentes partie de la préparation n'étaient pas du même niveau. Des jeunes absynthes avaient déjà bouclé les étapes les plus faciles : doser un sable spécial entièrement noir, le mélanger à des fraises pistachées puis réduire en poudre une pierre parente au calcaire et l'ajouter à la préparation.

Enfin, ils avaient haché une quantité très précise de borel, une plante gorgée de sève sucrée à l'odeur envoûtante, mais très toxique. On confiait ce genre de tâches à des absynthes peu qualifiées, car ne pas s'empoisonner en avalant n'importe quoi relevait d'une question de bon sens d'après Ezarel. « S'ils s'intoxiquent malgré mes recommandations, c'est la sélection naturelle » répétait-il souvent. De plus, les membres plus expérimentés étaient en général chargés de missions importantes qui réclamaient une main d'œuvre désespérément trop peu nombreuse. Aujourd'hui, Lilyn était chargé d'un travail délicat avec quelques autres qu'elle estimait comme compétents : ensorceler les ingrédients pour qu'ils soient fonctionnels. C'était des sortilèges encore élémentaires, mais elle était flattée de faire partie de cette équipe-là.

Concentrée, la petite élève se mordilla la lèvre et se laissa tomber en position assise sur son tabouret, presque invisible sous la table. En temps normal, les formules orales et les charmes ne relevaient absolument pas de sa compétence, les absynthes devaient posséder un niveau d'étude supérieur pour réussir à les effectuer et ils n'y avaient droit que pendant et après la formation adéquate. Elle n'était qu'une alchimiste étudiante spécialisée en recherche, mais les tâches qu'elle recevait restaient générales alors elle n'avait presque jamais eu à se lancer dans de telles manipulations.

Ezarel s'était probablement dit que cela la forcerait à se concentrer de lui faire travailler intensivement le pallier supérieur de l'alchimie. Mais en l'occurrence, elle avait dû effectuer plusieurs sortilèges d'un niveau assez compliqué pour sa potion elfique et elle avait beaucoup étudié le sujet à la bibliothèque : elle avait un peu d'avance sur lui et comprendre les sortilèges de cette mission s'était révélé plutôt élémentaire. Un sourire entendu étira ses lèvres. Elle allait rendre un travail par-fait !