"La conscience ? Elle n'empêche jamais de commettre un péché. Elle empêche seulement d'en jouir en paix !"
Théodore Dreiser
Myrina
Belle nuit pour mourir.
Tandis que les flammes enragées consument la petite ferme agricole paumée au milieu de nulle part, je pose mon fessier sur la selle de ma moto en croisant les chevilles. Puis je lève la tête vers la Voie lactée. Je me sens d'humeur lyrique ce soir. Aucun nuage n'éclipse les loupiotes scintillantes qui piquettent l'immensité céleste tels des diamants microscopiques accrochés à un manteau de velours sombre. Bien que je demeure une pure citadine dans l'âme, je concède à la campagne ce considérable avantage : lorsque le ciel est dégagé, une véritable féerie étoilée s'offre à la vue émerveillée du spectateur.
Je n'ai pas l'air comme ça sous mes dehors de garce assumée, mais je suis une femme sensible. Parfois, la fillette qui se cache en moi pointe le bout de son nez, comme en cet instant.
En général, elle ne reste pas bien longtemps, la petite conne.
Je baisse pensivement la tête vers la fournaise qui nimbe les champs alentours d'une lueur ambre et or. Une colonne noirâtre s'étire au-dessus de la ferme. Ça aussi, c'est joli. Les tourbillons de fumée semblent former d'étranges silhouettes distordues qui déploient leurs ailes lacérées pour tenter d'échapper à l'incendie. A l'instar de démons de brume.
Mais ce n'est pas par le feu que l'on vient à bout d'un démon de ce genre. Croyez-moi sur parole.
Je tire mon paquet de cigarettes mentholées de la poche de mon jean et m'en allume une. Sale habitude pour ma santé, j'en conviens. Mon espérance de vie n'est déjà pas bien longue à cause de ma nature particulière, mais je la réduis encore en intoxiquant mes poumons. D'un autre côté, je me grille toujours une cigarette après une mission. Chez moi, la clope est indissociable du délicieux sentiment d'autosatisfaction du travail accompli. Mais il faudrait que je parvienne à réduire ma consommation. Ondine, ma demi-sœur, ne cesse de me le répéter. Un patch de nicotine pourrait aider à régler ce problème, peut-être.
Ou pas.
Un hurlement strident mais féroce fuse dans la nuit, altérant mes réflexions sanitaires. Retirant la cigarette de ma bouche, je fronce les sourcils en direction de la ferme.
Tiens, il y en a un qui est encore vivant.
Travail accompli mon cul.
D'une pichenette, je balance ma clope à moitié entamée par terre en exhalant une bouffée de fumée et empoigne ma fidèle arbalète gravée de runes. Je pourrais prendre mon revolver, mais je suis une puriste. D'un geste vif, j'encoche un carreau à la pointe d'argent, actionne le levier pour tendre la corde et l'oriente vers la ferme en positionnant mon œil directeur devant le viseur. Je surveille attentivement la porte d'entrée ouverte en m'attendant à distinguer une énorme masse sombre parmi les flammes d'une seconde à l'autre.
Ramène-toi, le coriace.
Le temps s'égrène. Le feu continue à faire son office. Un pan de charpente s'écroule sur la droite dans un fracas du tonnerre. Mais rien ne se passe du côté de l'entrée.
Cela devait être simplement un cri d'agonie. Il est mort.
J'abaisse progressivement mon arbalète.
Soudain, quelque chose brise les carreaux d'une fenêtre.
Quelque chose de gros.
Quelque chose qui crame.
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Myrina Holmes, Tome 1 : Démons et merveilles (publié chez Black ink éditions)
ParanormalJe suis Myrina Holmes, la meilleure Traqueuse d'Infernum, chargée de neutraliser les créatures surnaturelles qui bafouent nos lois. Dans mon monde, les démons sont légion ! Quatorze pour être précise : sept vouées aux vertus cardinales et sept domi...