II

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— Je n'irai pas par quatre chemins, Aiolos. Je viens m'amender devant toi. Je n'ai rien d'autre à te donner en guise de pardon et à la hauteur de mon crime que ma vie, que je souhaite déposer à tes pieds.

— Pardon ?

La première réaction d'Aiolos, nouveau Grand Pope du Sanctuaire, fut d'articuler ces deux seules syllabes. Il lui était impossible de dire plus tant il était abasourdi. Il avait même dû s'y prendre à plusieurs fois pour comprendre le sens de ces mots. Déposer à ses pieds sa vie ? Shura venait-il vraiment de lui annoncer qu'il souhaitait mourir devant lui ? Calmement et sûr de lui, le Capricone reformula sa requête sans sourciller.

— Je t'ai dérobé la vie, je te la rends.

— Tu n'es pas sérieux, Shura ?

L'ancien Sagittaire fut surpris par sa propre voix quand il put enfin la mobiliser à nouveau. Il se leva d'un bond et s'approcha de son cadet et jadis bourreau, ce qui eut pour effet de faire reculer celui-ci.

— Ne me touche pas, tu te salirais.

— Me salir avec quoi, Shura ? Ton âme a déjà été lavée de toute impureté ! C'est en demandant une telle chose que tu te ternis ! Ce que tu crois sûrement être des taches indélébiles n'en sont pas, Shura ! Regarde, je suis là, moi aussi ! Si tu veux te racheter, alors fais-le de ton vivant !

Le Grand Pope approcha à nouveau son bras, tentant désespérément d'établir un contact physique qu'il voulait rassurant avec son comparse. Mais Shura se dégagea avec violence, les yeux emplis d'une colère sourde bien davantage adressée à lui-même qu'à son aîné.

— Et comment veux-tu que je fasse ? Comment réparer ce que j'ai fait ? Même en déployant tous les efforts du monde, je n'y peux rien ! Un Chevalier n'est en droit d'occire quiconque n'étant point son ennemi, et ne peut être commis pire outrage aux dieux que celui d'ôter la vie à un être venu se réfugier dans l'espace sacré d'un autel ! J'ai certes agi en pensant servir Athéna et celle-ci dans sa grande générosité a pardonné cette méprise, mais pour ça, pour cette règle-là, l'actuelle incarnation de Notre Déesse Athéna l'a peut-être oublié, mais il n'y a d'autre châtiment que la mort ! Ignorer cette règle, Aiolos, c'est me mentir, mentir au Sanctuaire, fuir une sentence qui doit tomber pour que justice soit faite ! Je ne peux plus faire la sourde oreille !

Aiolos se permit un temps de réflexion puis, dans un calme somptueux, croisa les bras, comme il avait pris l'habitude de le faire lorsqu'il dispensait un enseignement à ses cadets.

Dixit celui qui continue de la faire. Très bien, jouons ton jeu et parlons règles sacrées. N'y en a-t-il pas une qui stipule que tant qu'une guerre sainte ne menace pas la paix du monde, le Grand Pope ne doit pas voir couler le sang ? Ne me dis pas non, pour prendre cette place j'ai dû potasser tous les règlements du Sanctuaire et apprendre des passages par cœur. Donc, si je suis ta logique, tu veux, parce que tu as enfreint une règle, en enfreindre une autre ?

— La règle que tu invoques n'a jamais été respectée ! Ne serait-ce que quand Saga ét-

— On parle de moi ?

Un grand bruit de cliquetis métallique signala la présence d'un autre homme en armure dans la Salle du Trône, et très vite le visage grave du Chevalier des Gémeaux sortit de l'ombre. Lui aussi avait les bras croisés, et il toisait le Capricorne de toute sa hauteur.

— Saga. Tu es en retard, je m'attendais à ce que tu te présentes ici avant Mû, fit remarquer Aiolos.

— Je vous présente mes plus plates excuses, Grand Pope, une affaire m'a quelque peu retenu dans ma demeure. Eh bien, Shura, qu'est-ce que tu attends ?

Laissez-moi écrire (2018)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant