Une chaise et deux cadavres

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La sonnerie de son réveil la tira d'un sommeil profond. Elle bondit hors du lit dans un mouvement leste, et attrapa ses vêtements qu'elle enfila aussi rapide que l'éclair. Ce matin elle était remontée à bloc. Sa motivation mais aussi son appréhension lui compressaient la cage thoracique, cependant la détermination l'emportait sur ses émotions. Elle avala un grand bol de cacao, s'arrêta devant le miroir à l'entrée pour discipliner ses cheveux et sortit sans attendre. Elle se jeta dans le premier bus menant au plus près de sa destination, elle ferait le reste à pied. Elle parcouru rapidement le courier qu'elle avait reçu quelques semaines auparavant, il stipulait qu'elle devait se rendre au siège de la sécurité publique qui se trouvait au trente-septième étage de la tour Yumei à huit heures précises. Elle pivota vers la fenêtre du bus, observa attentivement son reflet, et s'appliqua une petite couche de baume à lèvres pour s'hydrater. Le bus filait doucement mais sûrement.

Komaru Hayashi fixait d'un air absent son écran d'ordinateur, dans le silence de l'open-space seuls les quelques bruits de pages et de touches de clavier s'élevaient, ses deux collègues restaient étrangement silencieux, ce qui n'était pas pour lui déplaire finalement. Franchement ennuyé, il finit par ouvrir brusquement un tiroir de son bureau et en sortit le premier dossier qu'il attrapa à la hâte. Il feuilleta les pages rapidement, avant de le refermer d'un geste brusque, c'était une affaire qu'il avait résolue quelques jours auparavant, rien d'interessant. Il reporta son regard sur son écran et dit mine de s'y intéresser. Il cligna des yeux plusieurs fois, ayant du mal à s'accommoder à la luminosité de son écran, l'alcool de la veille y étant pour beaucoup, il entreprit de baisser sa luminosité. La porte vitrées de l'open-space s'ouvrît dans un long grincement. Komaru ne daigna même pas lever les yeux de son écrans bien qu'il soit horriblement blasé.
- Oooh qu'elle est mignonne! cria Seiso en se levant.
Kuyama sa deuxième collègue se leva également, mais pour blâmer le premier.
- Un peu de tenue !
Une petite voix timide perça à peine le silence de la pièce.
- E-Excusez moi... Je cherche Monsieur Onishi et son équipe, bredouilla-t-elle.
Komaru se contenta de soupirer, il ne s'était pas encore remis de sa gueule de bois, et il n'allait pas s'en remettre de si tôt. Aussi quand Seiso se mit à sautiller et à hurler comme un enfant, il croisa ses bras sur son clavier et laissa sa tête s'écraser sur ceux-ci.
- C'est ici-meme ! criait Seiso.
La jeune femme qui se tenait dans l'entre-bâillement de la porte semblait désemparée devant tant d'enthousiasme mais ne semblait pas s'en plaindre. Ce me fût que quand elle entra réellement dans la pièce qu'elle remarqua Komaru, tête enfouie entre ses bras, il semblait presque mort ainsi, mais les mouvements furtifs de sa respiration ne laissait aucun doute.
- Tout va bien ? demanda-t-elle en le montrant du menton.
Kuyama s'approcha pour lui serrer la main et l'entraîna dans le bureau du chef Onishi qui se trouvait au fond de la pièce qu'ils occupaient actuellement, sans donner suite à sa question. Kuyama la jeta littéralement dans le bureau avec un grand sourire. La jeune-femme, avant de se faire happer dans la pièce eut tout de même un regard pour Komaru, toujours dans un état pitoyable sur son bureau.
- Hein elle est mignonne ? dit Seiso tandis que Komaru relevait difficilement la tête, on aurait dit qu'il avait la tête dans un micro-onde.
- Un problème Hayashi ? T'as l'air patraque! demanda énergiquement son collègue comme si il s'y intéressait réellement.
- J'ai bu toute la nuit, grogna Komaru en passant sa main dans ses cheveux noir. Ni une ni deux, Seiso éclata d'un rire franc qui lui vrilla les oreilles.
- J'adore ton humour! fit-il en faisant pivoter sur elle-même sa chaise. Notre homme eu un sourire moqueur pour Seiso, il eut l'irrésistible envie de lui cracher un "Ce n'était pas de l'humour, idiot, je me suis vraiment bourré jusqu'à m'endormir comme un ivrogne." acerbe au visage, mais il se retint. Quand la porte du bureau du chef s'ouvrît à nouveau, tous les trois se levèrent, comme si ils étaient montés sur ressorts, Komaru eut un léger temps de réaction dut à l'alcool mais il se débrouilla pour faire passer ça pour de la fatigue. Onishi parcourut du regard les trois inspecteurs à ses ordres sans un mot. Son menton tressaillit comme à chaque fois qu'il s'apprêtait à dire quelque chose d'important.
- J'ai l'honneur de vous présenter Avery Kasawa, elle sera la nouvelle partenaire de Hayashi, dit-il en appuyant son regard sur ce dernier. Komaru Hayashi croisa ses bras sur son torse et claqua sa langue sur son palais en détournant les yeux. Avery Kasawa aux côtés du chef semblait légèrement mal à l'aise, son regard restait rivé sur la pointe de ses chaussures.
- Komaru, tu auras l'extrême obligeance de l'accueillir correctement, me suis-je bien fais comprendre? demanda-t-il d'un ton paternaliste. L'intéressé se contenta d'un hochement de tête avant de se laisser tomber sur sa chaise dans un bruit sourd.
- Bien, il s'adressât a Avery, votre bureau est à côté du sien, dit-il en lui montrant d'un mouvement de la main, ne vous inquiétez pas, il n'est pas méchant, sur ce il s'éclipsa un sourire radieux aux lèvres.
Avery Kasawa resta un moment debout, comme si elle cherchait à assimiler les dernières minutes qui venaient de défiler sous ses yeux. Après un moment elle s'inclina profondément.
- Merci de m'accueillir! Je ferais du bon travail! dit-elle d'une voix tremblante mais qui n'enlevait rien à sa détermination. Elle resta ainsi, dos courbée pendant un moment, en réalité elle en profitait pour cacher son angoisse, courbée ainsi, ses trois nouveaux collègues ne pouvait pas voir l'expression de son visage.
- Elle vraiment trop chou! rajouta Seiso, immédiatement interrompu par un coup de coude de Kuyama bien placé, qui le fit se tordre en deux. Elle releva légèrement les yeux, juste assez pour voir Kuyama se rasseoir. Elle ne savait que faire, ni où s'asseoir, ses trois collègues s'étaient déjà remis au boulot, et elle restait là, à les observer. Komura tira la chaise roulante à sa droite et lui indiqua.
- Tu comptes restée debout longtemps? demanda-t-il sans meme attendre de réponse.
La voix peu avenante du brun fit sursauter Avery, elle s'inclina à nouveau en signe de remerciement, et alla s'asseoir au bureau voisin de Komaru sans un mot. Elle s'emparait de la souris d'ordinateur quand une sonnerie ténue attirèrent l'attention de toute l'équipe, au fond, sur le mur, la grande télé écran plat affichait la mention "Appel entrant, Tsumetori Keiko". Ni une ni deux, Hayashi Komaru se leva, et se jeta sur la télécommande posée sur une petite table basse contre le mur. Le visage d'une femme apparue aussitôt à l'écran, un rouge-à-lèvres pétant, et de beau cheveux blond attirèrent particulièrement les yeux d'Avery.
- Yo Hayashi, s'écria-t-elle, d'un air enjoué.
- Pas le temps pour ça, qu'est ce que tu as sur le feu ? demanda-t-il en reposant la télécommande à sa place.
- Rabat-joie souffla le jeune femme entre ses dents. Seiso ne se garda pas d'éclater de rire. Puis son visage disparu un instant de l'écran pour laisser place à une carte détaillée de Tokyo où était inscrit des coordonnés géographiques.
- Nord de Tokyo, un chantier, trois cadavres, une voiture et une chaise, énuméra-t-elle un large sourire aux lèvres.
- Une chaise ? répéta Avery surprise. Mais elle n'eut pas le temps d'en demander plus, Komaru revenait déjà à son bureau pour récupérer ses clés de voiture dans un tiroir. L'appel visio s'interrompit. Alors que toute l'équipe se levait pour suivre Hayashi, la porte du chef Onishi s'ouvrît brusquement.
- Halte là ! tonitrua sa grosse voix. Seiso sursauta.
- Quoi encore...? se plaignit le comique. Toute l'équipe le fixait, attendant des ordres. Le responsable croisa ses bras et inspira profondément.
- On se divise en deux équipes, je viens d'avoir un appel d'en haut, on a des émeutes au sud, une manifestation aurait mal tourné. Kuyama, Seiso avec moi, Hayashi et la nouvelle vous vous occuperez du reste, ordonna-t-il. Sur ce, il se dirigea prestement vers la porte, mais Seiso et Kuyama ne suivirent pas. Il fronça les sourcils.
- Allez au boulot tas de loques ! gronda-t-il. Seiso lui emboîta le pas, la mine boudeuse.
- C'pas a nous de faire ça normalement, grogna-t-il. Komaru se tenait appuyé contre sa chaise de bureau, l'alcool encore présent dans ses veines lui donnait du fil à retordre. Il inspira profondément, et se pencha en avant, il se sentait nauséeux tout à coup. Avery l'observa silencieusement, l'espace d'un instant elle se demanda si elle ne devait pas aller chercher quelqu'un pour aider ce pauvre homme qui semblait si mal en point, mais elle se résigna. Elle se balança d'un pied à l'autre en se triturant les doigts nerveusement.
- E-Est ce que je peux faire quelque chose pour v... elle n'eut pas le temps de finir sa phrase. Elle s'était tut presque instantanément lorsque qu'il avait relevé la tête et planté ses yeux dans les yeux dans les siens. Elle s'était alors retrouvée figée sous ses magnifique pupille bleu, un bleu si intense qu'elle en eut le souffle coupé. Elle ne sût pourquoi, mais en scrutant ses iris, une vague de tristesse l'envahit subitement, comme si cette émotion était le synonyme de leurs couleur. Elle resta ainsi bouche bée avant de se reprendre, tout en sachant que cette image resterait gravée en elle un long moment.
- Je veux dire, elle s'interrompit à nouveau pour s'éclaircir la voix, c'est que vous semblez vraiment mal, je peux faire quelque chose ?
Il me répondît pas, se contenta de se redresser de toute sa hauteur. Ce fut seulement à cet instant qu'elle vit pour la première fois les cernes qui creusaient ses paupières. Il tendit vers elle sa main, poing fermé, elle le regarda sans comprendre.
- Prenez le volant, précisa-t-il d'une voix éteinte.
- Oh oui, bien-sûr! fit-elle en se précipitant, main tendue vers lui. Il laissa tomber le petit trousseau dans sa paume. Ils se dirigèrent sans un mot de plus vers la sortie.

Les deux Dragons [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant