Histoire de dossiers

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Terrés au fond d'un sous-sol aménagé, deux hommes s'entretenaient. Le premier, qui était de loin, le plus charismatique des deux, était vautré dans un canapé en cuir, verre à la main. A ses côtés se trouvait une jeune femme tatouée, avec des cheveux de jais et des yeux plus noir que les abysses, habillée d'une longue robe rouge à dos nu elle était à moitié avachie sur le premier homme, et riait bêtement à chaque parole qu'il lui susurrait. Le deuxième se tenait droit comme un piquet face à eux, il faisait abstraction du manque de tenue que ses deux interlocuteurs avaient envers lui, après tout, l'homme avec qui il conversait n'était autre que son supérieur. Le premier leva son verre dans la direction du deuxième, et un rictus déformé par l'alcool se forma sur ses lèvres, il fit courir négligemment ses doigts sur la cuisse de sa compagne.
- Alors?! s'écria-t-il d'une voix embrumée par la liqueur.  Le second détailla le premier, comme pour le sonder avant de lui donner sa réponse. L'homme en face de lui était vêtu d'un simple jean troué, de basket blanche et de ce qui semblait être une chemise à moitié déboutonnée, il ne manqua pas de remarquer que la femme à ses côtés en profitait allègrement pour glisser ses mains sur le torse du premier. Des cheveux bruns encadrait le visage du supérieur, et ses yeux d'ordinaire vert, pétillait sous l'effet de l'alcool. Le brun s'impatienta. D'un geste rapide malgré son état il tira un revolver de la poche arrière de son jean, et le braqua sur l'homme en face de lui, celui-ci se raidit aussitôt et sa langue se délia.
- J'vu des flics, fit-il mâchant ses mots.
- Combien ?! cria l'homme saoul en retirant le cran de sécurité de son arme. La jeune femme a sa gauche semblait vraiment s'amuser de la situation, tantôt elle tendait sa main vers le revolver comme si elle voulait s'en emparer et tirer elle même, tantôt elle observait l'homme tenu en joue avec un regard de démente.
- Deux, après z'ont foutus le camp, et leurs esclaves sont arrivés pour ratisser le terrain et nettoyer l'chantier, dit-il entre ses dents. L'autre baissa son arme et la replaça dans sa poche arrière, un léger sourire satisfait déformé par l'alcool étirait ses lèvres.
- Bien bien, fit-il en se relavant, il chancela un instant avant de s'avancer, et s'agripper aux avant bras de sous-fifres. Il se dégagea vivement de lui, et épousseta ses vêtements pour reprendre contenance. Son compagnon parut hésiter un instant.
- Et...
- Quoi ? s'enquit l'autre.
- Il y était, lâcha-t-il avec réticence.
Le brun fit volte-face, attrapa son col et plaqua le second contre le mur de pierre froide, il le regarda d'un air fou, les yeux globuleux et les mâchoires entre-ouvertes.
- Il ? répéta-t-il en le secouant vivement, on aurait dit que l'alcool s'était évaporé d'un coup. L'autre homme hocha la tête, comme pour compenser les mouvements incontrôlés de son corps que lui faisait faire le brun. Quand il se décida à le lâcher, il épousseta ses vêtements.
- Oui, l'était là, reprit-il.
Le brun s'en alla retourner sur le canapé, il tira à lui la femme, et se contenta de sourire bêtement.
- C'est parfait, dit-il, surveille le, nous verrons bien ce que nous en ferons, si il s'avère utile, j'en informerais En-Haut.
Le second s'inclina avant de s'éclipser, laissant l'autre en charmante compagnie.

Il était six heures du matin quand Seiso passa la porte de la salle de pause, c'est non sans surprise qu'il trouva Komaru Hayashi allongé comme un ivrogne, lèvres entre-ouvertes, dormant comme un loir sur un canapé. Sa main pendait lamentablement en direction du sol, et un gobelet en plastique encerclé d'une tache de café séchée se trouvait sur le sol. Seiso poussa un soupir en allant récupérer le gobelet pour le jeter. Fort heureusement pour son collègue, il était encore trop tôt, et personne ne l'avait encore vu ainsi, mais ça ne saurait tarder. Seiso secoua la tête de droite à gauche en signe d'exaspération, secouant sa tignasse blonde, puis il prit place dans un fauteuil en face du canapé où avait élu domicile Komaru. Il resta silencieux, observant l'homme allongé négligemment en face de lui, détaillant ses traits, il semblait dormir paisiblement, mais Seiso connaissait l'homme qu'il avait sous les yeux. Ce gars-là était indéchiffrable, autant éveillé qu'endormi. Aussi quand Hayashi ouvrit les yeux dans un sursaut, son collègue le gratifia d'un sourire, en joignant ses mains, lui donnant un air de psychologue, lui dans son siège et Komaru dans son canapé.
- Bon sang, Hayashi depuis combien de temps tu lambines ici ? lança-t-il sur un ton nonchalant, comme si il lui avait lancé un banal bonjour. Il observa l'inspecteur en face de lui, ses cheveux de jais étaient aussi ébouriffés qu'un balais brosse, ses yeux bleus ne cessaient de bouger, ce qui lui donnait l'air d'un enfant apeuré, ses mains étaient agrippées au cuir du canapé.
- Quel heure il est? demanda Komaru d'une voix asséchée par sa dure nuit. Seiso se leva et se dirigea vers le buffet dédié aux cafetières.
- Six heures et quart, répondît le blond. Il revint avec deux gobelet de café bien chaud, et lui en tendit un. Komaru se redressa difficilement, frotta son visage vigoureusement avant de s'emparer du breuvage.
- Ton foie va finir par lâcher tu sais, commenta son collègue en sirotant une gorgée. Les iris bleus de Komaru se levèrent vers lui aussi vite que l'alcool lui permît.
- Je te demande pardon ? fit le grand aux cheveux de jais, sur la défensive. Un sourire narquois se dessina sur les lèvres de Seiso.
- T'es aussi réactif qu'un mort, tu ressembles à une vielle serpillère, et en plus...
Il se pencha vers lui et fit mine de renifler l'odeur du fautif.
- Tu pus l'alcool, finit-il.
Komaru lui jeta un regard aussi noir que sa chevelure, et dans un froncement de sourcils avala cul-sec son café. Il se releva en chancelant, il cru un instant qu'il allait s'écrouler, mais la large main de son compagnon s'abattit sur son épaule pour le soutenir.
- Doucement! Bon alors, Mister Je-Bois-Au-Goulot, comment t'as atterri sur ce tas de peau bovines même pas confortable ? demanda-t-il en le soutenant de peur qu'il ne s'écroule. Komaru le fixa un instant sans comprendre, son cerveau paraissait aussi lent qu'un tracteur, alors il resta la bouche entre-ouverte sans rien dire pendant quelques secondes avant de sursauter comme si la présence de son collègue ici, l'avait surpris.
- Euh... Ah oui... Oui, oui, fit-il l'esprit embué, j'étais chez moi... et..., il se pinça l'arrête du nez en plissant les yeux, un affreux mal de crâne l'empêchait de parcourir ses souvenirs. Seiso le lâcha avec moult précautions et lui fit signe de se calmer.
- Bien, bien, je crois que j'ai compris le gros de l'histoire, tu t'es pété la gueule tout en travaillant, et puis une fois que t'as été pompette comme pas deux, tu t'es traîné jusqu'ici pour bosser, et t'as fini ici, pauvre ivrogne va ! railla le blond. Komaru hocha vigoureusement la tête pour signaler son accord.
- Tu ferais un bon inspecteur, articula-t-il difficilement.
Le visage de son collègue s'illumina dans un sourire goguenard.
- Je sais, je ne sais pas ce qu'attend le chef pour te rétrograder et me promouvoir, fit-il, sur un ton narquois. Komaru secoua la tête aussi vigoureusement que son état le lui permettait, il semblait peu à peu reprendre contenance. Il remit son gobelet vide entre les mains de Seiso, celui-ci se dirigea vers la corbeille à déchet.
- Tu vas...
- En parler ? l'interrompit-il, naaaan, tu sais pourquoi ? Parce que même bourré tu fais de bon boulot, et ça c'est pas donné à tout le monde.
Seiso pour la quatrième fois s'attela à la confection d'un café. Komaru l'observa sans le voir pendant un instant.
- Mais en attendant... fit-il sur le ton de la concentration, tu ne vas peut-être pas te faire virer, mais ce qui est sur c'est que tu vas crever d'une cirrhose si tu continues comme ça.
Il pivota vers le brun pour appuyer ses propos avant de reprendre sa concoction. Son collègue resta silencieux, trop occupé, Komaru le vit versé une substance semblable à du sucre dans son breuvage avant de revenir vers lui.
- Voila ce qu'on va faire, commença-t-il en afficha un large sourire, tu vas me boire ça, dit-il en remettant le gobelet dans les mains de son compagnon, en suite tu iras te faire une toilette, je te ramènerais un bain de bouche, quoique tu peux toujours te rincer la bouche à l'eau de javel. Il se mit à rire, fier de sa touche d'humour et se dirigea vers la sortie.
- Toujours est-il que je veux que tu t'arranges, compris ? ordonna-t-il en pointant son supérieur du doigt. Il s'éclipsa rapidement, prenant la route de son bureau, laissant Komaru pantois, son verre à la main.

Les deux Dragons [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant