V. Contrecoup

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La porte de l'ascenseur s'ouvrit, accompagnée de l'éternel "étage 8", articulé par une voix métallique.
Je sorti en enlevant mes écouteurs, me précipitai sur la porte de l'appartement et posa ma main à plat sur la petite tablette incrustée dans le mur.

Une fois mes empreintes reconnues, la porte s'ouvrit, et je m'engouffra rapidement dans l'appartement. Une autre voix métallique parla.
"Biiiieenvenuue, Aphnaaaiiieee"
Je détestait cette voix qui écorchait affreusement mon prénom, alors je claqua violemment -comme  toujours- la porte pour la faire taire. Les murs tremblèrent et le fracas de la porte résonna bruyamment dans mes oreilles.

Et puis ce fut le silence...

J'entendais ma respiration saccadée et mon coeur qui tapait dans ma poitrine. Je m'étais stoppée dans mon élan et restai bloquée là, sans bouger, à contempler l'appartement blanc et lumineux, les yeux vides.
Ce fut comme une pause dans le temps.
Quelques secondes, suspendues.

...Vous savez, un peu comme dans ces films nuls qui parlent d'amour, dans lesquels la musique s'arrête lorsque deux personnes s'embrassent.

Pour moi, la musique s'était arrêtée.

Mais ça n'avait duré que quelques secondes.

Tout recommença d'un coup.
Ce bourdonnement de paroles en arrière plan, que je trouvais normal à peine quelques heures auparavant, m'obsédait désormais.

On t'obsède ?
Tu te fais du mal toute seule...
Laisse nous parler
On arrêtera pas,
On arrêtera pas,
Je voulais que ça s'arrête, à tout prix.

Je forçais mon corps à bouger. Je me mis à marcher lentement, en me tenant la tête, le dos courbé. On aurait dit que j'étais possédée. Je vins lourdement atterrir sur une chaise de la cuisine, je ne pouvait pas aller plus loin. Mes mains étaient si froides qu'elles brûlaient mon front. Mes jambes s'étaient mises à trembler, et mes yeux s'embuaient. Je pleurait ? Ça n'avait pas d'importance.

Mon corps exprimait ce que je ressentais à cet instant. J'étais totalement perdue, je ne comprenais rien, et le pire c'est que je savais qu'il fallait que je m'y fasse. Je savais que je n'allait pas rester sur cette chaise à trembler comme un animal blessé. Je savais très bien que je devais trouver une solution, vivre avec...

C'était dur à avaler, mais je m'en rendais compte, et j'essayais de m'en persuader.

Oui, il faut juste s'y faire,
S'y faire ?
Pourquoi s'y faire !
On est là.
Depuis longtemps !
Depuis ?

Mes propres pensées m'étaient arrachées et raisonnaient au fond de mon crâne. Elles perdaient tout sens répétées par ces ...
Voix ?

...Par ces voix ?

Des ...voix ?
Je suis bien plus qu'une voix,

Je suis bien plus qu'une voix !

Je ne suis ...qu'une voix

Je suis plus, bien plus, qu'une voix !
Aphnae,
Les mots perdent tout sens...
Une fois mâchés, remâchés,
Puis recrachés.

- STOOOOOP !

Mon cri résonna dans l'appartement vide. Les murs avaient tremblés. Je m'étais dressée, les poings serrés, rouge de rage. Mes joues chauffaient. Puis un sentiment de honte m'envahit... je venais d'hurler pour rien.
Rien ni personne n'avait répondu.
Mais qu'est ce que j'espérait ?

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