-Bouge !
Je soupire profondément, la manche brutalement tirée par la petite main de mon amie si pressée.
Je n'ai pas pu fumer ne serait-ce qu'une cigarette en neuf jours ; ce qui est une bonne chose par rapport à mon désir d'arrêter, mais… j'en deviens plus facilement agacé, ce qui n'est pas terrible pour mon entourage.
Cette amie si pressée, Lumia, en est la première victime, mais semble être la moins sensible à mes sautes d'humeur.
Je replace correctement les hanses de son sac sur mes épaules avant d'avancer légèrement plus vite, pour que la jeune femme me laisse un peu tranquille. Nous finissons par nous faufiler dans le bâtiment avant que la porte, ouverte par un professeur, ne se referme ; puis grimpons rapidement les longs escaliers avant de nous appuyer paresseusement contre le mur blanc.
-Tu vois qu'on n'était pas en retard.
Lumia hausse les épaules en sortant son téléphone.
-Mieux vaut être en avance quand même.
Un deuxième soupir, et je ferme les yeux.
Encore deux semaines, et les partiels commencent. De quoi s'angoisser, même je me débrouille bien.
Je ne peux m'empêcher de ressentir quelque inquiétude pour Lumia, qui est du genre à prendre la vie comme elle vient ; sa philosophie s'applique également aux cours, ce que les partiels ne lui pardonneront pas.
-Noé ?
Mon nom me parvient brusquement aux oreilles, attaquant directement mes tympans avec la puissance d'un grondement de tonnerre.
J'ouvre les yeux.
Et souris.
-Néo. Qu'est-ce que tu fais là ?
L'autre me regarde, avec le visage tout aussi éblouissant que sous la lumière du réverbère.
-Aujourd'hui j'ai des cours que j'aime vraiment beaucoup, alors je me suis motivé pour venir.
-C'est bien.
Seul un majeur levé en ma direction me répond.
-Anyway, t'as cours de quoi ?
-Ancien français, indique mon amie à ma place.
Mon habituel compagnon nocturne baisse le regard vers la jeune femme, adoptant un sourire plus doux.
-On a pas eu l'occasion de se présenter.
Elle sourit à son tour.
-Je suis Lumia. Toi c'est Néo, c'est ça ?
-Oui, nice to meet you.
La brusque courtoisie dont il fait soudain preuve me fait lever les yeux au ciel. L'autre ignore mon geste impoli, et laisse ses doigts tapoter distraitement sur son vieux skate.
-Ça fait un moment que je t'ai pas vu sur le banc.
Je hausse les épaules.
-Trop de travail.
-Et tu n'as pas touché à une clope depuis ce temps, I guess.
Je fronce les sourcils.
-Comment tu le sais ?
Un sourire narquois.
-Aujourd'hui, tu es tendu. Et tu sembles particulièrement chiant.
Je n'ai pas le temps de répliquer quelque remarque acerbe, interrompu par l'arrivée brutale de mon professeur.
Mes dix-sept camarades prennent leur sac, finissent leur phrase ou rangent leur téléphone avant d'entrer dans la salle dégageant une familière odeur de renfermé.
Néo se recule et nous adresse un signe de la main.
-À l'une de ces nuits, Noé.
Toujours agacé par la moquerie de mon compagnon nocturne, je me contente de me détourner.
-Ouais, ouais ; à l'une de ces nuits, Néo.
-Il a l'air trop cool, ton pote ! S'exclame Lumia en me dépassant.
Je hausse les épaules, mais un sourire involontaire s'esquisse sur mes lèvres.
-Si tu le dis.
VOUS LISEZ
Noé et les papillons de nuit
Short StoryQuand, l'une de ces nuits, assis sur un banc étrangement placé au milieu d'un terre-plein et fumant une cigarette tout en essayant d'arrêter à quatre heures du matin, Noé rencontre Néo.