3 ~ Limites / (La tour du) Paradis ~

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   Encore un soir, je voyais Jellal sortir « pour se balader » disait-il, mais lui comme moi savions pertinemment comment cela se terminerait, une fois de plus. Je me demandais encore pourquoi nous nous voilions la face alors que le problème était là ! Sous nos yeux !
   Peut-être parce que déséquilibrer cette routine effrayait ? Parce que nous ne savions pas ce qu'il adviendrait ? Parce que l'avenir apeurait, grand inconnu ? Devions-nous continuer à nier ce mal-être, ou bien l'empoigner pour le plaquer au sol et en finir ?
   Ce soir, les choses changeraient, il le fallait. Attendant qu'il rentre, je marchais en rond dans le salon, poings crispés : j'étais nerveuse à l'idée de lui parler. Comment réagirait-il ? Serait-il violent pour la première fois ? Plus encore : est-ce qu'il m'écouterait ?
   Ce ne fut que vers deux heures du matin que je l'entendis tenter d'enfoncer la clef dans la serrure, visiblement peinant. Une fois insérée, la porte s'ouvrit dans un fracas qui manqua de peu de le faire chuter. J'observais ce pénible spectacle, Jellal, ce beau Jellal, aux pas et postures lourdes, perdant toute l'agilité qui me charmait un jour. Visage grave, marqué d'épuisement et souffrance, il marcha devant moi en titubant sans remarquer ma présence, dégageant l'odeur d'alcools forts sur son simple passage, laissant la porte d'entrée grande ouverte. Je refermai, puis posai le trousseau calmement sur une commode avant de saisir la anse d'un seau rempli d'eau froide, et sans hésiter, je lui balançai sur le crâne.
   Il resta d'abord immobile, puis il tourna enfin son sombre regard vers moi, tentant de sécher son visage trempé en se jouant de ses manches.
— Maintenant, tu vas arrêter de te soûler. Je ne le supporte plus.
— Tu n'essaies même pas de me comprendre !
   Ce n'étaient pas des mots, mais des grognements, des râles de rage.
— Explique-toi, dans ce cas.
   Sans flancher, je plongeai mes noisettes dans ses émeraudes sans éclat. Il hésitait à parler, ou ne savait plus penser, à la vue de ses lèvres rosies qui s'entrouvraient pour se refermer dans un souffle fort et désagréable.
— Je suis malheureux. Je ne dors pas si bien que ça. Mes souvenirs me hantent. Je suis à mes limites, énuméra-t-il en bredouillant quelque peu.
— Je ne te rends pas assez heureux pour que tu puisses oublier ? demandai-je calmement.
— Erza... commença mon époux.
— Non ! l'interrompis-je. Tu réponds à ma question !
   Il baissa les yeux, soupira, puis murmura :
— La tour du Paradis rattrape ton amour.
   Cette fois, je n'eus pas de répartie, et baissai les yeux à mon tour, à la recherche d'idées pour relancer cette conversation douloureuse, mais c'était le néant.
— Erza, ce n'est pas une vie pour toi, et je ne veux pas te blesser plus que ça, pas encore... je vais faire mes valises pour te laisser en paix.
   En appuyant fermement sur la rambarde de l'escalier en bois, Jellal commença une lente et tremblante ascension vers l'étage, vers notre chambre.
   J'aimerais le rattraper, lui prendre la main, lui souffler que je l'aimais pour prendre ses lèvres, mais je n'avais plus la force. Cela me semblait insurmontables d'essayer encore et encore de rester près de lui. Moi aussi, j'étais à mes limites.

Jerza Love Fest 2018 [Spécial 100K] | TERMINÉE |Où les histoires vivent. Découvrez maintenant