Albert Leonhart marchait d'une allure pressée ce matin-là, traversant la foule de personnes se rendant au travail sans y faire attention. Sa démarche précipitée s'accordait parfaitement aux traits renfrognés et soucieux de son visage tout en longueur déformé par un imposant nez au centre, quelque peu tordu par un lointain match de baseball s'étant mal déroulé. En vérité, aujourd'hui comme tous les autres jours où il allait travailler, il était l'archétype exacte de l'homme tenant un poste haut-placé et implacable, avec son costume trois pièces d'un gris impeccable, ses chaussures parfaitement cirées et ses cheveux grisonnants plaqués en arrière sur son crâne pointu par un de ces gels parfaitement résistant au climat urbain. Si on lui avait fait la remarque, Albert Leonhart aurait simplement toisé son interlocuteur avant de lui lancer une réponse fort déplaisante au visage, ses petits yeux noirs et étriqués se contentant de lancer des éclairs. Il détestait qu'on le prenne pour un bourgeois « pète-sec » comme on disait, et coincé d'esprit. Pourtant, il était vrai qu'il renvoyait cette image aux autres, comme aimait lui rappeler en riant Mary, la seule qui n'ait jamais comptée pour lui. Mais ce matin, juste ce matin, c'était différent. Il devait aller à son bureau le plus vite possible, et terminer cette affaire qui occupait ses pensées depuis si longtemps déjà, et pas seulement faire son métier d'analyste financier et surveiller le cours des marchés. Il devait le faire avant que ça ne soit trop tard, mais peut-être les autres avaient déjà vus... ? Il secoua la tête, tandis qu'il sortait de la bouche de métro pour rejoindre une grande rue pavée. Il fallait qu'il se calme, il avait été assez méticuleux, personne ne se soucierait de quoi que ce soit, il fallait juste qu'il fasse disparaître toutes les preuves qui l'accusaient, et le tour était joué. Il bifurqua, prenant une ruelle déserte d'un quartier laissé à l'abandon pour rejoindre son lieu de travail (un raccourci peu sûr qui lui permettait d'arriver à l'heure) et hocha la tête, un sourire satisfait aux lèvres tandis qu'il jetait un coup d'œil à sa montre. 7h54. Il avait même un peu d'avance.
7h54.
L'immeuble qui faisait face à la ruelle que prenait Albert Leonhart chaque matin aux alentours de 8h était abandonné depuis longtemps, tout comme les autres bâtiments qui ornaient la ruelle, laissant libre cours aux squatteurs et sans-abri désirant un toit ou un endroit pour faire leurs affaires, voire passer la nuit. Il passait totalement inaperçu, ses petites fenêtres sans balcons qui parcouraient les 4 étages faisant comme des petites pupilles sombres sans vie, où se balançait de longs rideau de toile blancs, vestiges d'anciens travaux malheureusement délaissés depuis belle lurette. Même si le bâtiment était en lui-même plutôt vieux, puant l'humidité et l'urine, il était le repère idéal ce matin-là pour le jeune homme qui attendait dans l'ombre d'une des ouvertures du dernier étage le passage d'un certain personnage. Il était là depuis au moins deux bonnes heures, trouvant d'abord le meilleur point de vue où son angle serait le plus précis, puis installant son matériel méticuleusement autour de lui, dans le plus grand des silences, habitué qu'il était. Ses doigts, fins, et gantés, tenaient fermement la photo qu'il avait reçue lorsque son commanditaire lui avait passé toutes les infos nécessaire à son boulot, et son regard profond ne cessait de la regarder, comme s'il lisait tous les mots qu'elle pouvait contenir. Lorsqu'enfin l'heure sonna, il se redressa, dépliant ses jambes finement musclées pour venir ajuster la lunette de tir sur Leonhart qui passait précisément à ce moment là, sans se douter de ce qui allait ensuite lui arriver. S'il avait su, il aurait écouté Mary et serait resté à la maison, prenant sa journée pour passer enfin un peu de temps libre avec elle sous le soleil d'un bel après-midi. Si seulement.
L'analyste était pressé, et l'homme qui se tenait caché derrière sa fenêtre s'agenouilla pour venir prendre son arme posée depuis deux heures face à l'ouverture, et plaça son œil droit en face de la lunette, pointant le canon silencieux adaptée qu'il s'était procuré spécialement pour cette mission en ville. De toute façon, il lui servirait sûrement de nouveau plus tard...
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Black Paradise
Mystery / ThrillerEden Yaghes a 23 ans, et déjà un lourd passé qu'il traîne derrière lui depuis sa plus tendre enfance. Travaillant dans la clandestinité auprès de celle qui l'a aidé, il cache son véritable métier : tueur à gages. Dans les bas-fonds des quartiers iso...