Chapitre 2

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Après un combat acharné, l'homme fut ramassé par deux spectateurs qui lui hurlaient dans de grands éclats de rire qu'il s'était battu comme un dieu, alors qu'il tenait à peine sur ses jambes et que son visage était en sang, provenant surtout d'égratignures. Tandis qu'ils disparaissaient dans les toilettes aménagées au fond du hangar, l'autre homme vainqueur, la trentaine, chemise anciennement blanche et désormais tâchée par ci par là du même liquide rouge, brandissait haut les poings, un sourire de rage et de triomphe sur les lèvres. Il n'était pas beau à voir non plus, mais au moins il s'était bien défoulé. Personne ici ne connaissait sa vie en dehors des murs de l'entrepôt, comme tout le monde, mais c'était arrangeant pour tous. Les cris de la foule enragée cessèrent peu à peu, tandis que certains quittaient l'endroit discrètement après un bref salut à la femme aux longues dreadlocks postée dans un coin éclairée, bien en vue de tous et confortablement installée dans un fauteuil sur pied de velours rose. Les gens venaient de leur propre chef ici, pour s'acharner et se délester d'une dure journée ou d'une vie tout simplement, et tous connaissaient l'énigmatique propriétaire des lieux, du moins en apparence ; elle faisait toujours attention à rester bien en vue, essentiellement pour que les participants n'oublient pas la paye qui lui devait pour pouvoir affronter l'un de ses champions, ou pour des petits extras, comme les paris. Elle le savait, elle risquait d'être découverte par la police si jamais ça finissait par balancer, mais ça n'était jamais arrivé. Elle connaissait chaque personnes, leurs travails, leurs familles, leurs antécédents, tout, et cela grâce à une seule personne.

Personne qui arriva justement devant elle dans un souffle, tellement silencieusement qu'elle faillit en sursauter. Heureusement pour elle, elle y était maintenant habituée pour ne plus risquer d'avoir une crise cardiaque à chaque fois.

« Alors ? C'est encore Arthur qui a gagné ? »

Elle n'avait même pas eu le temps de le réprimander. Que voulez-vous, les jeunes d'aujourd'hui...

Elle soupira, ses yeux se tournant d'un air placide vers le vainqueur du soir qui buvait avidement, entouré d'autres hommes qui lui donnaient des tapes dans le dos en parlant forts.

« Eh oui, celui-là il frappe fort, je pari que ça doit pas être tout rose chez lui... » Pendant un instant ils ne dirent rien, se contentant d'observer la troupe de personnes qui chahutaient joyeusement, puis sans prévenir la femme tourna vivement la tête vers le jeune homme qui était arrivé, tentant d'afficher une mine sérieuse alors que ses yeux brillaient de malice.

« Tu pourrais prévenir quand tu rentres plus tôt, Eden, je sais jamais où tu es quand j'ai besoin de toi, c'est pas croyable quand même !

- Désolé, j'avais une course urgente à faire, » répondit-il simplement, ses yeux océans rivés sur le dénommé Arthur qui savourait toujours sa victoire.

Elle le dévisagea un instant, tentant de déceler quelque chose derrière cette apparence lisse et froide, mais comme toujours la tâche s'avérait vaine. Il était doué, ce petit. Soupirant une énième fois, elle se leva, dévoilant sa grande taille au même moment et tapa dans ses mains, assez fort pour faire cesser les rires gras et les cris du groupe d'hommes, et les faire se tourner vers elles dans un flot de visages étonnés.

« Okay messieurs, la fête est finie pour ce soir, pour ceux qui veulent on se retrouve demain, même heure, même endroit ! Bonne soirée ! Et n'oubliez pas ; tout ce qui se passe à l'entrepôt, reste à l'entrepôt, vous connaissez la suite... » Elle appuya ses propos par un clin d'œil, son grand sourire dévoilant ses dents jaunies, vestiges de nombreuses années à fumer tout et n'importe quoi. Les hommes acquiescèrent vaguement tout en commençant à reculer vers la porte, davantage craintif de ce que pouvait faire le jeune homme à côté que la proprio en elle-même. Parce qu'ils savaient tous, ou presque, ce dont il était capable. On racontait tellement de choses à son propos que personne ne savait exactement ce qu'était la vérité. Mais, peu importait, le secret de cette réunion interdite était toujours gardé, quoi qu'il arrivait. Une fois le groupe disparu, entourant le grand gagnant du soir dans des discussions plus calme, la femme se retourna vers le nommé Eden, son visage révélant alors les durs traits de la fatigue éprouvée après une bonne journée. Le jeune homme, quant à lui, n'avait pas bougé, son regard restant toujours indéchiffrable. A vrai dire, après sa petite « escapade » du matin, il était passé au point de rendez-vous donné par le commanditaire pour récupérer son argent, puis avait passé la journée à surveiller les hôtes de l'entrepôt, veillant à ce qu'aucun ne trahisse le secret de cet endroit. Et puis, juste avant de rentrer, il avait reçu l'appel d'un client qui avait souhaité le voir le plus vite possible pour une affaire urgente. Il n'avait pas insisté, et avait convié un rendez-vous le lendemain même, aux premières lueurs de l'aube. De toute manière, il ne dormait jamais beaucoup.

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