L'aube n'était pas encore levée lorsqu'Eden traversa la ville presque déserte pour rejoindre son nouveau client. A cette heure-ci, seules les personnes filant au travail se trouvait dehors, exactement comme lui. N'était-ce pas ce qu'il faisait aussi ? Son travail...
Le lieu de rendez-vous n'était pas très loin, il pouvait y aller à pied depuis « chez lui ». De toute manière, il n'avait pas d'autres choix. Il s'était levé sans un bruit de matin-là, Faeniks dormant encore, et avait quitté l'immeuble dans un souffle, toujours vêtu de noir. Il avait pris son sac à dos contenant son masque et tout son matériel, et avait suivit la direction demandé. En général, les clients préféraient un endroit tranquille, souvent loin de leur lieu de travail afin de préserver une discrétion qu'Eden jugeait inutile, mais cette fois-ci ça avait l'air différent. L'homme qui lui avait parlé au téléphone la veille n'avait pas décliné un seul nom, seulement une adresse assez éloignée et la mention que cela était urgent. Il lui avait semblé très calme, comme s'il passait un simple appel pour ses courses. Eden était conscient que cet appel pouvait être un piège mené par la police pour le coincer, mais il n'y croyait pas trop. Dans le pire des cas, cela pouvait être un gang voulant lui faire la peau, mais ça n'était pas un gros problème à résoudre, lui-même connaissait ses talents de fantômes. Non, l'homme qui l'avait appelé semblait vraiment sérieux, sûrement un client voulant se la jouer mystérieux à la voix rauque. C'était rare, mais ça pouvait arriver.
Il ne mit pas bien longtemps à arriver, un parking souterrain désaffecté (décidemment, fallait croire que ce quartier tombait réellement en ruines) qui laissait libre court à l'imagination de tagueurs de passage. Eden s'arrêta subitement à l'entrée pour voitures, le visage engoncé dans sa veste et les mains enfouies dans ses poches. Son regard voltigea dans les coins de mur, à la recherche d'une caméra qui se voudrait discrète avant de sortir son masque et de l'apposer, mettant sa capuche au passage. Ainsi paré, il avait l'air d'un réel voyou dont on ne distinguait plus que les yeux bleus, mais ce n'était qu'un cas de sûreté, au cas où. Il avança prudemment vers l'entrée béante, longeant les parts d'ombres qu'il ne quittait pas. Il s'était toujours senti mieux dans les ténèbres, comme rassuré et loin du monde, c'était toujours elles qui le protégeait, et là où il aimait se réfugier.
Tout en avançant dans la pénombre, il jeta un coup d'œil à sa montre et constata qu'il était en avance de quelques minutes, comme toujours. Il préférait être là avant son client, et avoir l'avantage de l'endroit, avoir comme il disait un « cran de sûreté ». L'endroit était parfait pour lui, sombre à souhait, idéal pour se camoufler. Quelques carcasses de voitures pourrissaient encore, devenant des habitats rêvés pour les squatteurs. Non pas qu'il aimât jouer au ninja, mais il préférait ne pas dévoiler son visage, et garder cette part de mystère que Faenisk qualifiait comme un atout à son charisme déjà surfait. Il se posta près d'un poteau, non loin de l'entrée, caché dans le noir et attendit que l'autre arrive. Il détestait les retardataires.
Les minutes passèrent, et personne n'arriva. Même si son visage camouflé ne montrait aucunes émotions, l'agacement finit par pointer son nez lorsqu'Eden comprit que l'étrange client serait bel et bien en retard. Voilà du temps de perdu, il allait être lui-même en retard et Faeniks se demanderait où est-ce que...
« Alors c'est vous, Paradis. »
Il ne sursauta pas, mais la voix qui venait de derrière lui l'avait surprit. Il tourna lentement sur ses talons, toujours impassible, pour voir une autre silhouette un peu plus loin, les détails de celle-ci floutées par l'obscurité. Même pour lui, impossible de voir à quoi ressemblait l'homme, si ce n'est qu'il avait une forte carrure emballé d'un costume blanc qui tâchait dans les ténèbres.
Paradis. Son nom de code, qu'il donnait à ses clients qui savaient comment le contacter. Pourquoi cela ? Ca paraissait simple, son prénom lui-même qu'il avait autrefois trouvé trop féminin avait un rapport avec cette identité secrète. N'était-ce pas son paradis noir qu'il exécutait, justement ? Le paradis des autres en les débarrassant de personnes indésirables ?
« Vous êtes doués, votre image se fond parfaitement dans la noirceur des lieux, pratique pour cacher votre visage. Je suis incapable de le voir d'ici ! »
Sa voix, grave et posée mais bizarrement rauque, n'exprimait aucune mesquinerie mais plutôt de l'émerveillement, chose encore plus étrange dans ce contexte. Encore plus bizarre, elle faisait réveiller un sentiment dérangeant dans l'esprit du tueur, quelque chose qu'il n'avait pas ressentit depuis longtemps. Eden ne bougea pas, sur ses gardes. Jamais un de ses clients n'avait agit ainsi depuis qu'il exerçait, cela pouvait être synonyme de n'importe quoi. D'ailleurs, comment était-il arrivé là où il était, sans qu'il l'ait vu ? Etait-il déjà là... avant lui ? L'attendait-il ? A première vue, il semblait seul, mais d'autres hommes pouvaient très bien attendre à l'extérieur.
« Bon, passons, j'ai fais appel à vos services pour une requête importante. D'habitude, je laisse un de mes hommes le faire mais cette fois-ci, je sais que vous serez le seul à le faire. J'ai entendu parler de vos talents de traqueur. »
La traque. Il n'était pas le premier à vouloir l'engager pour ce motif, que Faeniks elle-même trouvait très pratique, mais venant de la bouche de cet homme, cet inconnu, ça n'allait pas. Que voulait-il, exactement ? L'homme n'était pas clair, et cela déplaisait fortement à Eden, qui sentait la situation lui filer entre les doigts. Il prit enfin le temps de lui répondre, ne lui en laissant aucun pour continuer :
« Dites-moi qui vous êtes, d'abord. Je veux savoir avec qui je collabore. »
Il sentit, il pourrait même dire qu'il le voyait sourire de là où il était, et des petits bruits s'échappèrent de sa bouche, exactement comme s'il essayait de réprimer un rire. Il se foutait de sa gueule ou quoi ?
« Je comprend, mais elle doit rester secrète, même à vous. Comprenez, ce que je fais n'est pas très légale, et je dois rester impartial... Vous n'aurez qu'à m'appeler Monsieur P., ça vous va ? »
Eden ne répondit pas, et pour cause. Le sens dans lequel se déroulaient les choses ne lui plaisait pas du tout. Un client étrange, sûr de lui, ne lui disant pas son nom... rien n'était bon dans cette affaire, et Eden commença à regretter d'avoir accepté. Il préféra passer cette histoire de nom, voulant savoir quelle était la cible. Si elle lui plaisait, alors peut-être qu'il ferait une exception, mais qu'on soit bien clair, il avait clairement horreur de ce genre de personne. Il n'avait qu'une envie, le tuer lui-même.
« L'argent ?
- Je vous donne la première moitié maintenant, et la seconde une fois le travail fait, d'accord ? Après ça, nous repartirons chacun de notre côté, comme si rien ne s'était passé. Après tout, vous devez avoir l'habitude... »
Sa lancée resta sans réponse, et ce fut seulement maintenant qu'Eden, en baissant un peu les yeux, remarqua la forme rectangulaire aux pieds de l'homme, camouflée dans la noirceur du paysage. La première moitié annoncée.
Pour la première fois depuis très, très longtemps, le jeune homme sentait un très léger frisson lui parcourir la colonne vertébrale. C'était bref, mais il l'avait quand même sentie, et cela lui remémora aussitôt de vieilles bribes de sensations oubliées qu'il s'attela à faire disparaître rapidement. D'extérieur, son visage arborait toujours le même masque d'impassibilité, totalement dénué de tous sentiments, mais l'intérieur était tout autre chose. Cet homme... qui qu'il soit, lui était désagréable, non seulement par sa voix et son comportement, mais aussi par l'aura malfaisante qui se dégageait de lui. Oui, malfaisante, Eden la sentait clairement.
Le blanc se prolongea, l'autre ayant décidé de lui laisser la parole d'un geste silencieux. Eden n'eut pas le choix de faire le premier pas, histoire d'en finir en plus vite. Il n'aimait décidemment pas ça.
« Finissons-en. Qui est la cible ? »
Il y'eut un raclement de gorge devant lui, puis une petite expiration. Un frottement de tissus qu'Eden perçut comme quelqu'un mettant les mains dans les poches. Puis la réponse. La réponse qui acheva de confirmer ses pressentiments qui tiraient la sonnette d'alarme dans sa tête depuis le début. Voilà pourquoi rien n'allait depuis le début. Parce qu'intérieurement, Eden savait. Il savait que cette mission n'en était pas une. Pas véritablement.
« Il s'appelle Yaghes. Eden Yaghes. »
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Black Paradise
Mystery / ThrillerEden Yaghes a 23 ans, et déjà un lourd passé qu'il traîne derrière lui depuis sa plus tendre enfance. Travaillant dans la clandestinité auprès de celle qui l'a aidé, il cache son véritable métier : tueur à gages. Dans les bas-fonds des quartiers iso...