Jeudi: 16h00, chez Aloys.
Il prend des médicaments par centaine pour calmer les maux de tête qui le frappent tous les jours depuis son accident.
Avant, il détestait avaler les pilules. Il avait peur qu'elles restent coincées dans sa gorge. Je trouvais ça mignon et marrant. On en riait ensemble.
Mais là, aujourd'hui, le voir prendre son verre d'eau et mettre les médicaments dans sa bouche et les faire passer avec l'eau, avec une douleur incommensurable sur le visage, ça me donne juste envie de pleurer.
En tout cas, ce jour-là, il a l'air de bonne humeur. Tout est relatif mais par rapport aux autres jours, il a envie de parler. Et j'ai un instant l'illusion que tout est de nouveau comme avant. Qu'il a juste la grippe mais qu'on est ensemble, qu'il me demande comment était ma journée de cours.
Et l'illusion me fait tellement de bien que pendant 30 secondes, je ne réponds pas à son "qu'est-ce que tu as fait aujourd'hui?". Je reste là, à le fixer rearranger sa couverture avec un air soucieux. Il finit par lever la tête vers moi.
-Aline?
Je cligne lentement des yeux.
-Oui?
-Ta journée? Qu'est-ce que tu as fait?
Après le marteau-piqueur, la scie et le rouleau compresseur, ce sont des tessons de bouteille qui viennent couper mon coeur en morceaux. L'envie de pleurer m'étrangle. J'ai l'envie irrépressible de me pencher vers lui et de me blottir contre son torse et de respirer son odeur que j'aime tellement.
-Ça été. J'ai été au lycée.
Sans toi.
-J'ai écouté les cours.
Sans toi assis à ma droite.
-On prépare le bac, les pro...
- Le quoi? il m'interrompt doucement.
Pourquoi cette question a un impact aussi gros sur moi? Peut-être parce que ça me prouve bien qu'Aloys ne sait plus rien. Que ça me prouve que c'est bien réel, qu'il a vraiment perdu la mémoire. Le voir, face à moi, avec ses yeux marrons qui me dévisagent, l'air réellement perdu, avec les mèches de cheveux qui tombent sur son front, me donne envie de le haïr.
J'aimerais le haïr parce qu'il ne se souvient de rien. Il ne souvient pas de moi, de notre amour, qu'il met en l'air tous nos plans d'avenir. Notre futur, on le voyait ensemble. Point final. On était l'un pour l'autre, ce qu'on aurait pu appeler des âmes soeurs. Sincérement.
Et voila. Le skate, la chute. Les Ruffin, Elouan, Violette. Tout me ramène à eux. Al' n'y est pour rien. Personne n'y est pour quelque chose. Ce Vendredi soir, c'est juste que le destin avait décidé de jouer à la roulette russe avec le garçon que j'aime.
Un enchaînement malheureux d'épisodes nuls à crever qui avait pour finalité d'effacer les souvenirs d'Aloys.
Alors à qui je m'en prends moi? Sur qui je fais passer ma colère? Sur qui je déverse mes larmes? Sur qui je hurle mon malheur?
Je garde donc tout pour moi et je me lève de son lit.
-Tu pars déjá? il me demande, l'air surpris.
Je ne veux pas lui dire que le regarder me donne envie de pleurer. Je lui souris, en essayant de cacher ma peine.
-Demain, je reviendrais, t'inquiète pas.
Puis je pars, sans qu'il me retienne. En même temps, je m'attendais à quoi? Qu'il prononce mon prénom avec sa voix engourdie et me dise : "Aline? Pourquoi tu pars déjà? On devait pas se regarder Brice de Nice? Allé, on va encore rigoler, tu le sais bien!"?
L'air de dehors déclenche mes larmes, comme si, dans la chambre d'Al, je m'étais empêchée de respirer. Et là, dehors, plantée sur le trottoir, les yeux perdus dans le flou de la société et des personnes qui passent devant moi, je laisse mes épaules tressauter au rythme de mes sanglots et les larmes dévaler mes joues.
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Aline [terminée☆]
SonstigesJe me retrouvais seule avec l'espoir vain qu'il se rappellerait notre amour. [les fleurs fanées sur son coeur vide] Dans l'ordre lire 1》Elouan 2》Violette 3》Aloys 4》Aline