Vendredi

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Vendredi.

17h30, j'arrive chez Al'. Je salue Natacha et Eric et alors que je m'apprêtais à monter les escaliers, Natacha m'appelle.

-Aline?

Je me tourne vers elle.

-Aloys...les, les médicaments que prends Al' n'ont pas...n'ont pas toujours un bon impact sur ses humeurs...alors si...si il est méchant ou agressif, ne t'inquiète pas.

Mon coeur tombe mais j'affiche tout de même un sourire que je veux nonchalant.

-Oui oui. Merci, ne t'inquiète pas.

Natacha me sourit, les yeux fatigués et je gravis les dernières marches. La porte de sa chambre est fermée et j'entre. Encore de la pénombre. Une masse dissimulée sous la couverture du lit. Je viens m'assoir sur ce dernier.

-Aloys? C'est moi.

Alors que je m'attendais à ce qu'il garde le silence, comme souvent, sa voix s'élève du fond de la couette.

-Y'a que toi pour venir tous les jours voir un légume comme moi.

Je fronce les sourcils. Les médicaments ou c'est vraiment ce qu'il pense?

-Pardon?

Al' se tourne vers moi et me regarde, la tête sur son énorme oreiller.

-Qu'est-ce que tu veux?

J'ouvre la bouche.

-Je..viens te voir, c'est tout, je bredouille.

Première fois que je suis mal à l'aise devant lui et c'est peut-être parce que je ne le reconnais pas. Il ne m'a jamais parlé mal ou de manière agressive.

-Tu viens me voir pour quoi? Je suis quoi? La bête de foire amnésique de la ville? il dit en haussant la voix et en fermant les yeux.

-Al'...je commence. Qu'est-ce...

-Tais-toi!! il dit en se redressant et en ouvrant les yeux. Ferme-là, je veux plus entendre ta voix.

J'ouvre la bouche. Des larmes se forment au coin de mes yeux.

-Alo...

-TAIS-TOI J'AI DIT! il hurle.

Nat m'avait prévenue et pourtant, je sursaute. Je crois quoi? Que parce que j'ai été sa copine, il ne va rien dire de méchant? Il ne se souvient même pas de moi de toute manière.

A ma tristesse se mélange de la colère. Je me lève, furieuse contre...contre quoi?

-Tu veux que je parte? je dis, les mains serrées autour des anses de mon sac à main, la mâchoire crispée.

Et au fond de moi, j'espère qu'il se calme, qu'il me demande de me rassoir, qu'il prenne ma main.

-OUI. JE VEUX QUE TU DÉGAGES. JE VEUX PLUS JAMAIS TE VOIR CHEZ MOI!

Je ne bouge pas, je le fixe.

-VAS T-EN ALINE!

Je sursaute une nouvelle fois. Et je suis sur le point de partir quand je pense à quelque chose. J'ai besoin de lui demander ce service, en priant pour qu'il accepte.

-Aloys, avant que je parte, je veux te demander quelque chose.

Il semble se calmer et s'agite pour remettre son oreiller derrière son dos.

-Vas-y.

Sa voix a changé. Plus douce. Plus comme celle de l'Aloys d'avant. Je reprends confiance.

-Tu me laisserais t'embrasser?

J'ai besoin de sentir ses lèvres contre moi une dernière fois. Et alors, je ne sais pas si c'est la fatigue, le désepoir ou la lassitude mais à ma grande surprise, il ne dit rien et se contente d'avoir un petit hochement de tête.

Mon coeur saite un battement. Je reviens lentement m'assoir sur le bord de son lit, me penche vers lui et ferme les yeux en posant mes lèvres sur les siennes. Et les sentiments que j'ai toujours ressenti en l'embrassant n'ont pas changé. Mon ventre se noue et mon coeur semble se briser quand je sens la main d'Al effleurer mes cheveux.

D'un seul coup, il se recule et je m'écarte, surprise. Une seconde plus tard, il se penche au bord de son lit et vomit de la bile. Il tousse, crache et par réflexe, je lui tapote le dos. J'appelle Natacha, qui débarque 10 secondes après.

Elle prend le relais, Eric arrive aussi et il s'occupe d'Aloys.

Je reste là, plantée sur le seuil de la porte de sa chambre, mal. Aloys. Je ne l'ai jamais vu aussi faible et l'image que je viens d'avoir de lui ne peut s'empêcher de brûler celle que j'avais de sa personne: celle d'un garçon délicat et fort, skateur et déterminé, altruiste et drôle, au regard enjoué et à la peau d'été.

Aloys est pâle, faible, agressif, maigre et dépressif.

Et pourtant, je l'aime. Et pourtant, il ne se souvient pas de moi.

Mon ventre se noue quand je repense à nos lèvres qui s'effleurent.

Un cri me sort de mes pensées.

-JE VEUX PLUS JAMAIS LA VOIR MAMAN. DEMANDE-LUI DE PARTIR!

Al'. Natacha arrive vers moi et m'entraîne sur le palier.

Elle a l'air brisée.

-Aline, elle soupire en prenant mes mains.

Je sais ce qu'elle va dire et pourtant, je ne lui facilite pas la tâche. Je la regarde juste.

-Ecoute...on t'aime de tout notre coeur, tu le sais. Mais..Aloys ne va pas bien. Les traitements le font vomir, lui donne des maux de tête, influencent ses humeurs. Je...il serait peut-être plus...plus...comment dire euhm...

Elle soupire, des larmes roulent sur ses joues.

-Que...plus raisonnable que...

Je prends sur moi et lâche:

-J'ai compris. Que je ne vienne plus le voir. Je comprends.

Je comprends mais l'idée ne m'est pas plus agréable à accepter. Etranglée par les sanglots, je lâche ses mains et tourne les talons. Ce n'est pas dans mes habitudes d'être méchante mais là, j'ai juste envie de tuer quelqu'un.

Je sors et en rentrant chez moi, je m'assois sur mon lit et me contente de pleurer en silence.

Parce que c'est la seule réaction que j'ai trouvé à adopter face au néant que va désormais être ma vie sans l'amour qu'était Aloys pour moi.

Aline [terminée☆]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant