Troisième Souvenir.

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03 - Troisième Souvenir.

- Hajime, je peux te parler ?

Iwaizumi s'arrêta brusquement. En se retournant, il put constater qu'Oikawa s'était également stoppé au milieu de la rue, la tête basse et les poings serrés autour de la bandoulière de son sac. Il se mordait les lèvres.

Ce qui avait surpris le brun en premier lieu avait bien sûr été l'utilisation de son prénom. Voilà maintenant des années que son ami s'obstinait à l'appeler par ce surnom débile qu'il lui avait trouvé étant enfant, et rien ne semblait être à présent capable de le faire changer d'avis. Il avait fini par s'y habituer, si bien que le fait que son capitaine l'appelle soudainement ainsi - alors que pourtant, c'était son prénom, cela ne devrait pas le faire réagir ! - l'avait quelque peu brusqué.

La seconde chose qui l'avait fait s'immobiliser avait été le timbre de la voix de Tooru. Tremblante.

- Oikawa ? demanda t-il en se retournant complètement.

Le châtain avait été étrange toute la journée, bizarrement bloqué dans ses pensées. Même à l'entraînement ses coéquipiers avaient remarqué que quelque chose n'allait pas.

- Ça va ? continua t-il, incertain.

Même si Iwaizumi pouvait sembler parfois sans cœur, frappant son ami sans vergogne lorsqu'il le méritait bien, il n'aimait pas le voir comme ça - aussi abattu et morose -.

Ce dernier ouvrit la bouche, semblant vouloir dire quelque chose, puis se ravisa au dernier moment.

- Hajime, murmura t-il et le concerné eut envie de se rapprocher pour mieux pouvoir entendre.

Un pas.

- Je - je voulais.

Il déglutit.

- Il faut que je te dise quelque chose. Je sais que je ne devrais pas, parce que ça va tout changer et que ça risque de tout gâcher, mais...

Il secoua la tête.

- Il faut que je le dise. J'ai plus la force de garder ça pour moi.

Le brun sentait son estomac se serrer de peur. Il ne savait pas ce que ce dernier voulait dire, mais il ne désirait clairement pas l'entendre.

- Hajime, je -

- Attends !

Sa demande résonna entre eux quelques instants. À présent, ils se regardaient enfin dans le blanc des yeux. Et le brun semblait terrifié.

- Attends, répéta t-il plus doucement. Si c'est à cause de ce que tu as sûrement compris, je ne veux pas que - on peut faire comme si de rien n'était. Comme si tu n'avais rien vu ? S'il-te-plaît, Tooru, je n'ai pas envie -

- Mais non je -

- On peut continuer comme avant. Je n'ai pas envie de te perdre pour ça.

La respiration du châtain se bloqua dans sa gorge et, sans réellement le vouloir ou le contrôler, des larmes lui picotèrent les yeux.

En voyant cela, Iwaizumi ouvrit la bouche pour essayer de comprendre.

- Oi - Oikawa ? Tu - je ne voulais pas te faire pleu - hey, calme toi.

Mais les larmes dévalaient ses joues sans qu'il ne puisse rien faire et des immenses sanglots déchirèrent sa poitrine. Il fit un nouveau pas en avant, sûrement pour essayer de passer ses bras autour de puis afin de le réconforter, mais Tooru fit l'inverse - il recula d'un pas.

Son sac tomba au sol, résonnant étrangement dans le silence de la ruelle, et il tenta maladroitement d'essuyer ses joues.

- J'avais enfin trouvé le courage, gémit-il. Ça fait des années que je me dis que c'est mieux que rien - que ce qu'on a, nous, est unique et que je ne voulais pas gâcher ça ! Mais putain...

Un sanglot un peu plus fort que les autres l'interrompit et le brun essaya de poser une main sur son épaule. Oikawa la dégagea avec fureur.

- Je ne peux pas, Hajime ! Je ne peux pas continuer à observer en espérant que personne ne viendra te prendre et t'emmener loin de moi, que jamais tu ne finiras par partir en me laissant seul, que jamais je ne vais avoir à te regarder te marier avec une femme que tu couvriras du regard parce que tu seras fou amoureux d'elle et que tu me demanderas d'être ton témoin parce que bordel je suis ton putain de meilleur ami !

Il ramassa son sac et se redressa autant qu'il le put. Son regard flamboyait.

- Je ne pourrais jamais regarder la personne que j'aime m'être enlevée avec un sourire, même si dans les films c'est toujours ce que le protagoniste fait : il fout un putain de sourire sur sa tronche et il la ferme, parce que le bonheur de l'autre est plus important que le sien !

Le châtain secoua la tête sans même remarquer que les yeux d'Iwaizumi s'étaient écarquillés en grand.

- Moi je n'ai pas ce courage là, alors je veux que ça s'arrête : soit je tente ma chance, soit je coupe les ponts. Parce que je ne vais pas supporter de souffrir comme ça encore longtemps. Alors, Hajime, dit-il en ancrant son regard au sien, je t'aime comme je n'ai jamais aimé personne et comme jamais personne ne pourra t'aimer. Et je m'en branle de passer pour un imbécile ou de me ridiculiser, parce que t'es mon meilleur ami depuis des années et je sais très bien que tu es trop gentil pour te moquer des sentiments des autres.

Mais il ne put retenir ses larmes bien longtemps car presque immédiatement une image de ce qui allait suivre s'imposa à son esprit et il se mordit la lèvre. Iwaizumi était son tout, et tout à coup il lui sembla inimaginable de vivre sans lui.

Aucun d'entre eux ne dit mot pendant quelques secondes - six à vrai dire, il avait l'impression que le tic tac d'une horloge résonnait dans sa tête - mais contre toute attente se fut le brun qui brisa le silence.

Sa voix fut aussi basse qu'un murmure.

- Tu n'allais pas me demander de m'éloigner ?

Il n'était pas bien sûr d'avoir entendu.

- Tu n'allais pas me dire que tu ne pouvais pas me voir de cette façon ?

Cette fois, il se rapprocha d'un pas.

- Hajime, je n'entends pas -

Quand son regard croisa le sien, ils avaient tous les deux les yeux humides et brillants.

- Depuis quand ? demanda t-il.

Il n'eut pas besoin de préciser de quoi il parlait, bien sûr. Oikawa lui fit un vague sourire légèrement effacé.

- Des années.

Le brun fit un pas dans sa direction.

- Des années... ?

Ils ne savaient même plus pourquoi ils chuchotaient à présent.

- Des années de perdues, ajouta le brun en posant une main tremblante sur sa joue de son meilleur ami.

Ses bras passèrent naturellement autour de ses épaules et il le fit basculer contre lui.

- Tooru... Moi aussi.

Il murmura ces mots à son oreille.

- Je t'aime aussi.

Shattered || IwaOiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant