vii

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jules,
j'nous revois à cinquante balais passés quand on s'est retrouvé après des années de séparation dans un café trop chic, trop bcbg, trop coûteux, sur le cours mirabeau à aix, t'es mal à l'aise sur ta chaise en métal froid, et j'suis mal tout court face à toi,
tu souris du bout des lèvres, tes fossettes sont aux abonnés absents, t'as toujours ta cicatrice sous ton sourcil gauche, celle qui fait comme une vague, un soupir, un trémolos, quelque chose en zig-zag mais pas trop non plus quoi,
tu souris du bout des lèvres et j'fais la gueule parce que ça fait trente minutes que t'es là et tu parles pas, zéro mots sont sortis de cette bouche que j'aimerais tantôt embrasser, tantôt mordre à faire saigner, du coup j'bronche pas, j'reste là, devant nos chocolats chauds qui refroidissent.
j'pense aux adultes ratés qu'on est et j'me demande à quoi ça rime de se revoir après tout ce silence pour rester dans le silence, alors j'me lève en continuant à te regarder du coin de l'œil et tu me regardes faire en continuant à sourire du bout des lèvres, puis je m'en vais, je pars, je t'abandonne, comme toi il y a plus de trente ans sur le quai de la gare, sauf que cette fois j'me retourne pas, j'me retourne plus.

lettres à julesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant