Recueil de la mélancolie

La Musicienne

Elle ouvre sa fenêtre, quelques notes s'échappent.
Un ou deux passants s'arrêtent, se taisent, écoutent
Ce qui ressemble de loin à une harpe,
Dansent, fredonnent, puis continuent leur route.

Mais savent-ils pourquoi la musicienne joue-t-elle ?
Ils ne se doutent de rien, eux, ils profitent.
La musique s'emballe, devient plus forte, plus belle,
Derrière elle, les trophées: elle les mérite.

Soudain, comme fusillée, la musique s'arrête,
L'écho des dernières notes s'efface dans l'air.
La musicienne regarde ses mains, sa tête;
Puis se penche et ramasse l'image par terre.

Dur reflet des années passées, image brisée
Par le temps, par la colère, par son absence.
Brisée car elle sait qu'il je reviendra jamais,
Celui pour qui écrit, à qui elle pense.

Comme une pendule elle se remet à jouer
Espérant que de là-haut il puisse l'entendre,
Là-haut, là où il vit encore: dans ses pensées.
Attends, elle arrive, elle n'avait rien à prendre.

Les notes se perdent. La musicienne brisée
A enfin cédé pour rejoindre son créateur.
Car pour ce vieil automate déréglé
Il était, depuis bien trop longtemps, l'heure.