Le temps aujourd'hui était maussade, mais, dans l'esprit de Jaemin, comme à chaque fois qu'il venait ici, le décor ambiant disparaissait pour se calquer à celui de ce fameux jour.
Tout le gris, l'humidité et le vent mordant de cette matinée hiémale laissait place à une belle journée de printemps...
Et ses souvenirs se ressassaient.
...
Le sentier lisse, de deux mètre de large, bétonné d'une douce couleur taupe, longeait de près le cour d'eau jusqu'à un tournant, un peu plus loin, ou il se perdait derrière un bosquet d'arbre. La rambarde en métal qui l'accompagnait, fine et pas choquante le moins du monde dans ce décor printanier, surplombait une légère pente. Celle-ci, au bout de quelques pieds, se noyait dans la rivière qui resplendissait d'un millier de couleurs. La prédominance était certes bleue, mais l'astre solaire projetait sur les milliers de vaguelettes des reflets arcs-en-ciel, formant comme les écailles d'un poisson, ou celle d'un gigantesque serpent qui ondulait à travers Séoul.
La ville, d'ailleurs, éclairée par un soleil radieux, parsemé de nuages, semblait moins inquiétante pour Jaemin, moins sombre et intimidante. Plus accueillante.
Il était assis là, sur un banc en face du cours d'eau, la peau réchauffée par les rayons. Ses yeux azurs étaient plongé, à travers ses lunettes à la frêle monture dorée, sur les lignes fines d'un roman de poche. Ses mèches rousses resplendissaient, tache flamboyante dans ce paysage naturel, contrastant avec son léger pull en maille blanc comme neige.
Autour de lui, les seuls sons présent étaient ceux de quelques enfants sur sa droite qui jouaient avec candeur ; ainsi que ceux des oiseaux qui gazouillaient joyeusement sur les branches fournies de feuilles émeraudes, celui du vent qui doucement caressait ses joues, et enfin celui de la route, à quelques dizaines de mètre de là, feutré.
Il avait l'habitude de venir ici pour trouver la tranquillité, pour s'abreuver de l'atmosphère paisible de la nature, pour s'enfermer dans sa bulle rassurante.
Et justement, c'est peu être parce qu'il était trop dans sa bulle qu'il n'entendit pas les pas d'une personne sur sa droite, qui se rapprochaient.
Et qu'il sursauta fortement quand une voix masculine s'éleva, hésitante.
-Bonjour...?
Jaemin releva immédiatement les yeux.
Là, juste à côté de lui, se tenait un garçon.
Il devait avoir son âge.
Et il était incroyablement beau.
Ses cheveux étaient noir corbeau, et tombaient en lourdes mèches devant ses yeux. Son visage, fin et coupé au couteau d'après la mâchoire qu'il apercevait, était apparemment sans défauts, pâle. Ses yeux, à la fois doux, chauds et rassurant au premier abord, étincelait d'un bleu similaire au sien.
Similaire à celui du ciel éclatant.
Il se tenait debout, à un mètre de lui, et Jaemin ne pu empêcher ses yeux de parcourir son corps.
Il portait des vêtements simples en cette journée fraiche ; un jean foncé qui soulignait ses longues jambes, un teeshirt blanc aux inscriptions noires, une veste légère mauve pastel et menthe à l'eau. Le jeune Na se surprit à sourire intérieurement en remarquant ses chaussettes blanches, impeccables, remontées sous le bas de son jean, comme un enfant ; elles étaient chaussées de baskets à l'air usées.
Et enfin, autour de son cou, pendait fièrement un appareil photo.
Lui aussi avait l'air assez désuet, comme ceux qu'on voyaient parfois dans les brocantes et sur lesquels notre regard s'attardait quelques secondes, comme nostalgique.
Jaemin réalisa qu'il n'avait pas parlé depuis plusieurs secondes, aussi, reprenant brusquement ses esprits, il sortit de but-en-blanc:
-Bonjour-enchanté-est-ce-que-je-peux-vous-être-utile?
Le jeune coréen aux cheveux de feu avait parlé beaucoup trop vite et il se trouva stupide de réagir comme ça face à un inconnu ; c'est la surprise, pensa-il.
Le noiraud qui lui faisait face, étonné par la phrase incompréhensible, laissa dans la seconde échapper un léger rire, et ses yeux se plissèrent pour former deux adorables demies-lunes.
Le coeur de Jaemin s'arrêta de battre.
Tout autour de lui, le monde s'était suspendu. Il ne sentait plus les caresses du vent doux ou des rayons de soleil sur sa peau, il n'entendait plus le bruissement des ailes d'oiseaux, il était totalement déconnecté.
Plus rien de résonnait dans son esprit, mis à part le rire satiné de son vis-à-vis, qu'il entendait pour la première fois.
-Je vous ai pris en photo, lança calmement le jeune homme.
-Q-quoi?
- Ne le prenez pas mal, je vous en prie. C'est juste que la lumière était parfaite, vous étiez parfait en fait, et je me suis dit que je ne pouvais pas louper l'occasion. L'artiste que je suis n'a pas su résister à la tentation, finit-il avec un petit gloussement coupable.
Le jeune homme tendit à Jaemin un morceau de papier, totalement monochrome. Un instant, Jaemin hésita à laisser échapper un petit rire troublé, mais se ravisa en s'apercevant que l'appareil photo vétuste du garçon était en fait un polaroid. Il était donc tout à fait normal que la photo sois neutre pour l'instant. Un silence s'ensuivit, seulement rompu par le doux murmure de la brise dans les feuilles vertes.
-Je vais vous laisser tranquille, j'imagine que vous avez des choses bien plus intéressantes à faire que de parler avec un inconnu, déclara-t-il d'une voix chantante, un soupçon de mélancolie se dessinant à l'intérieur de celle-ci; Bonne lecture.
Et juste comme ça, juste comme la pluie de mars s'en va et revient, ses pas le guidait de plus en plus loin du garçon au cheveux flamboyants. Juste comme une colombe effarouché qui s'envole brusquement, il disparaissait, emportant avec lui la chaleur plus éclatante encore que celle du soleil, qu'il avait fait naitre en Jaemin.
Le jeune Na resta quelques secondes muet, regardant sa silhouette élancée diminuer, comme figé ; puis, dans un élan de courage qu'il ne maitrisa pas vraiment, il s'écria ;
-Attendez!
L'inconnu se retourna vivement, une expression surprise peinte sur ses traits à la fois durs et doux.
-...Oui?
Jaemin déglutit.
-Votre... votre prénom?
Il sourit de nouveau, laissant réapparaitre ses adorables demies-lunes qui contenaient en leur sein les plus belles galaxies que Jaemin ai jamais vu.
-Lee Jeno.
Et il disparu derrière le bosquet d'arbre, délaissant la vision ébahie de Jaemin qui, plusieurs minutes plus tard, était toujours fixée sur le cliché sans couleur. Ou plutôt, sur le verso où, d'une écriture fine et appliqué, était couché sur le papier un numéro de téléphone.
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- яεℓιqυεs - NoMin
Fanficrelique: (n.f.) 2. objet dont la grande valeur morale qu'on lui accorde tient à ce qu'il témoigne d'un passé révolu.