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  Il s'est écoulé deux semaines depuis ma rencontre avec Lucas, et une et demi depuis qu'il m'a filé son numéro. Il m'a prévenu qu'il allait devoir partir un certain temps. En Australie je crois. Il m'a avoué par SMS lorsque l'on discutait (il se peut que l'on discute fréquemment) qu'il était originaire de là-bas, et que la raison de sa présence en France était dû à sa mère qui, il y a une vingtaine d'années, a voulu changer d'air et le hasard a fait qu'elle s'est retrouvée ici. Depuis il vit la moitié de l'année ici, leur manoir étant assez grand pour qu'il ait sa partie privé.

En trois semaines de travaux, les rénovations ont bien avancé. Ma chambre est désormais totalement utilisable, j'ai pu troquer ma tente de camping de l'entrée pour déménager sur un matelas dans celle-ci et je ne vais pas tarder à recevoir mes nouveaux meubles, surtout que ce week-end je remonte sur Paris pour déménager. C'est au salon d'être en cours de réaménagement (murs, sol) mais il nécessite de grands travaux, l'électricité entre-autres, donc ça prendra plus de temps. La nouvelle cuisine m'a été livrée hier et des professionnels sont entrain de l'installer. Bien entendu, je ne sais pas vraiment faire ça, encore moins toute seule.  Même si ma petite sœur et mon père sont ici au manoir, pour m'aider et passer du temps avec moi. Enfin, "ici" est un bien grand mot, ils passent leur temps au bord de la mer, profitant de l'accès privé de derrière le manoir. Veinards! Je les aurais bien rejoint mais je ne veux pas laisser les ouvriers seuls. Puisque la rénovation avance bien, je commence enfin à me sentir vraiment  chez moi. J'ai une chambre joliment refaite, il manque la déco mais j'ai pu l'aménager comme je voulais, en ayant bâti une mezzanine où se trouvera mon lit, des escaliers qui y permettent l'accès, créant ainsi en dessous un espace plus clos qui me servira de zone de confort, un coin plus tranquille.

Alors que je reviens vers l'entrée du manoir pour laisser les ouvriers travailler tranquilles, ne voulant pas les gêner dans leur boulot, je suis surprise de voir Lucas dans l'embrasure de la porte d'entrée. Je le soupçonne d'hésiter à rentrer.
Qu'est-ce qu'il fait là? Pas que le voir me dérange (oui je me suis un peu trop accrochée à lui), mais ce n'était pas prévu.

En me voyant, il rentre dans le manoir, et s'arrête brusquement, un peu paniqué, les yeux rivés sur là chaise où traîne la veste de Louise que Jeremy lui a offert. Je le sens se crisper. Apparemment je ne suis pas la seule à me sentir comme chez moi.

"- Oh, pardon, c'est ma sœur qui laisse déjà traîner ses affaires partout. Elle est beaucoup trop fan de cette veste que je finis par me demander si elle ne veut pas que l'univers sache à quelle point elle aime les 5sos", j'ajoute en espérant le détendre. Vu sa tête, une sorte de sourire qui se veut rassurant, mais il est tellement crispé que ça se transforme en grimace, je devine que c'est peine perdue et qu'il est totalement mal-à-l'aise.

"- Lucas, ça va? T'es tout pâle?" il ne va quand même pas faire le coup du mec célèbre qui se trouve être le celebrity crush de ma sœur non ? C'est vrai que vu ses fringues, il a tout l'air d'un mec célèbre qui roule sur l'or, mais j'aurais trouvé ça bizarre si on n'était pas dans un quartier de riche. Ma pauvre Calypso, tu dérailles, c'est tout bonnement impossible, ça n'arrive que dans les fanfictions lues par des fans telles que ma sœur ça! Mais il se reprend et me décroche son plus beau sourire :

"- Oui oui pardon, il a un petit rire gêné, j'avais sonné mais je ne suis pas sûr que tu m'as entendu, donc je suis rentré. En fait, comme je pars demain et je voulais te demander si ça te disais qu'on mange ensemble ce soir, histoire qu'on se voit avant mon départ, il se dandine d'un pied sur l'autre, finit par poser son pied gauche sur le droit.

Gloups, mon cœur fait un bond, il vient de me proposer un rencard c'est ça?

- Heu, ça c'était inattendu comme demande, tu voudrais qu'on aille en ville? là, c'est à mon tour d'être gênée.

- Non non non, heu, ici sera très bien, enfin ici, chez moi si tu préfères, quoique, c'est bizarre dit comme ça, n'y voit rien de bizarre là dedans... Ah Lucas tais-toi, tu t'enfonces. Je m'enfonce hein? Dis moi que je m'enfonce, pour me faire taire.

Je pouffe, il est totalement craquant si gêné comme ça. Wait a minute, j'ai vraiment pensé qu'il était craquant?

- Ok ok, arrête de parler, ça va aller, la cuisine devrait être fonctionnelle ce soir, on a qu'à cuisiner quelque chose ici ? Si tu ne veux pas sortir. Mon père et ma sœur vont justement en ville ce soir, on ne sera que tous les deux.

Ma proposition a l'air de le soulager grandement. Étrange qu'il ne veuille pas aller dans un resto, j'aurais juré que c'était son genre, un grand dadais niais et romantique. Quoique, cuisiner à deux est tout aussi romantique... Rah, mais pourquoi je pense au romantique moi ? Je ne veux pas m'avouer qu'il me plaît.

- C'est parfait, je veux volontiers inaugurer ta magnifique cuisine toute neuve !"

Il a repris de l'assurance et alors qu'il s'apprête à partir, on entend mon père et ma sœur rentrer de la plage par la porte de derrière, dans la véranda. Il se raidit à nouveau et s'empresse de me faire un bisou sur le front -ce qui me rend rouge tomate- et pars à toute jambe en lançant qu'il s'occupe de tout, des provisions, et qu'il sera là pour 19 heures.

Il a tout juste passé la porte d'entrée que ma sœur débarque, récupère sa veste et vient de voir, en courant bien entendu. Une fois à mon niveau, elle se stoppe, me dévisage et je vois, au ralenti, se former sur sa tête un grand "Oh" d'étonnement. Qui ne reste pas longtemps et qui se transforme vite en un sourire de fouineuse rempli de malice.

"- Ola, toi, y'a quelque chose. PAPA, elle  hurle à mon père pour qu'il se dépèche, LYLY ELLE A UN AMOUREUX !

Mon père raboule. Comme quoi, on sait de qui Louise tient son penchant pour les ragots.

- C'est quoi ça, tu nous fais des cachotteries ? Aller, raconte, dis nous tout!

- Hors de question! Vous ne saurez rien, sauf que vous devez être partis à 18h30 - je regarde l'heure - donc dans 2 heures !

- OH.MON.DIEU ! Papa, tu te rends compte ? J'ai dis ça au pif, pour l'embêter et elle ne le nie pas, je répète : LYLY NE NIE PAS! Papa, c'est bon, j'ai un beau-frère!

Je déteste ma sœur, et désespère d'être la sienne. Et encore, elle ne m'a rien demandé de plus. Je crois que  que le fait d'avoir involontairement validé sa théorie l'a autant choquée que le baisé de Lucas sur mon front. C'était spontané et les papillons qui s'agitent dans mon estomac me foutent les jetons.

- Bon, Louise, t'a entendu ta sœur, dans deux heures on lui laisse le champ libre. Tu veux qu'on aille dormir à l'hôtel Caly ?

- QUOI ?? Rah Papa, stop, ok ? Fin de la discussion. Non c'est bon, il ne se passera rien.

En voyant leur regard de comploteurs, je sais que Lucas et moi seront tranquilles jusqu'à au moins 1 heure du matin. Mais j'insiste, il ne se passera RIEN! Je ne veux même pas être en couple. Rien de rien. Nada. Zéro. Rideau. Point. Amis, nous sommes juste des amis, rien de plus. Ok, c'est clairement pathétique comme auto-conviction.

Le Manoir De Ma Grand-mère (l.h)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant