Prologue

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La devise ou routine normale devait être « métro-boulot-dodo ». Mais dans la réalité, c'était plutôt « inquiétude-perte de confiance-paranoïa ». Surtout paranoïa. Chaque événement qui se passer dans le monde crée de l'inquiétude, la confiance des humains entre eux s'effrite et certains autres vivent avec un sentiment qui leur colle à la peau : être paranoïaque dans n'importe quelle situation.


Elle avait beau avoir terminé les études et donc les cours de philosophie depuis quelques mois, Hally avait des pensées très philosophiques ces derniers temps. Les attentats faisaient rage dans le monde entier. Il fallait montrer aux méchants de l'histoire que tout allait bien se passer, que personne n'allait mourir, qu'il fallait être solidaires et se faire confiance les uns les autres. Mais c'était compliqué lorsque la routine était perturbée par une constance attention à ce qu'il se passe près de soi.


-Un colis suspect à été repéré au terminus de votre ligne, merci de patienter quelques minutes le temps que le tram reparte. Veuillez-nous excuser pour le dérangement, fit une voix qui résonna dans tout le wagon, c'était le conducteur du tram.


Hally soupira. Elle avait arrêté ses pensées et commençait à regarder autour d'elle. Elle vivait en France, plus précisément à Paris. Ses jolis traits fins lui valaient souvent des regards en biais. Des filles jalouses de son physique, des hommes enviant de la mettre dans leur lit -avec ou sans son consentement d'ailleurs.

Elle avait terminé sa journée de travail et elle n'aspirait qu'à une seule chose: rentrer chez elle. Elle avait eu un bac Economique et Sociale en poche l'année passée et avait décidé de faire des petits jobs le temps d'avoir un minimum d'argent pour pouvoir subvenir à ses besoins seule. Pour le moment, sa mère lui avait prit un petit appartement dans un arrondissement sympathique de la capitale parisienne. Elle ne pouvait pas encore payer le loyer, mais cela arriverait bien vite. Le mois d'octobre venait à peine de pointer le bout de son nez mais la météo froide était déjà bien trop présente à son goût. Elle enroula son écharpe autour de sa bouche, augmenta le volume de la musique puis se mit à regarder dans le vide. Dans un petit vrombissement, le véhicule reprit sa course.


-Merci de votre patience, le trafic peut reprendre ! Reprit la voix de tout à l'heure.


La jeune femme sentit son téléphone vibrer au travers de la poche de son sac. Elle n'y fit pas attention et continua la lecture d'un livre qu'elle venait de tirer de sa poche. Un deuxième, puis une troisième vibration lui fit maudire l'objet qui ne cessait de la déranger depuis quelques minutes. Elle n'aimait pas sortir son téléphone dans les lieux publics, après tout, il y avait des âmes mal intentionnées partout, personne n'était à l'abris d'un vol de téléphone portable. C'est ainsi qu'après la fermeture des portes du tram -puis le redémarrage de celui-ci, elle se décida à prendre son portable entre les mains et à lire le contenu de ce qu'elle venait de recevoir. Une sorte d'étonnement la prit au fond des tripes. Le message lui demandait très clairement de descendre au prochain arrêt et de ne pas rester deux arrêts de plus. Elle devait descendre au terminal pour ensuite prendre un métro qui la ramènerait chez elle. Pourquoi devait-elle descendre plus tôt ? Et surtout, qui pouvait bien envoyer une bizarrerie pareille ? Elle avait reçu deux nouveaux messages entre temps, son regard s'accrocha sur le mot « bombe ». Le contenu du discours disait que le colis suspect annoncé plus tôt n'avait été qu'un prétexte, une sorte d'amuse bouche pour une bombe qui allait bientôt éclater au terminus, un endroit de commerces et de travail très fréquenté.


Son cœur s'affola, le tram ralentissait signifiant l'arrivée à l'arrêt auquel on lui avait demandé de descendre. D'ailleurs, "demandé" était un fin mot. Le destinataire lui en avait ordonné. La mention qui lui fit bouger les fesses de son siège lorsque les portes s'ouvrirent est que cette personne connaissait de près ou de loin Lynda, sa propre grande sœur décédée quelques années plus tôt. Elle resta là, plantée sur le quais comme une idiote. La brise de fin de journée lui volait dans les cheveux. Ses yeux restèrent bloqués sur son téléphone. Elle voulait l'appeler. En un geste imprécis, elle lança l'appel. Une voix douce connue de tous les possesseurs de téléphones lui répondit que le numéro était indisponible. Elle n'avait entendu aucun bruit de téléphone qui sonne, la personne avait-elle éteint son téléphone ou quelque chose dans le genre ? Elle leva les yeux et regarda tout autour d'elle. Les quelques personnes présentes sur le quais la regardait étrangement. En effet, elle avait eu l'air d'une folle, elle devait l'avouer. Elle s'inquiétait vraiment pour le message; et si c'était vrai ?


Cependant, elle se trouvait un peu bête. Mais comme le prochain tram n'arrivait que dans plus de vingt minutes, elle décida de rentrer à pieds ou de prendre un bus -s'il y en avait un sur son passage. Elle prenait le métro après le tram car elle était un peu flemmarde, mais depuis l'arrêt duquel elle venait de descendre, son trajet n'était pas si long que ça, finalement. Soudain, une explosion retentit et résonna dans les ruelles. Des cris de terreur fusèrent un peu partout autour d'elle. Son instinct de survie la poussa à courir de toutes ses forces pour rejoindre son chez elle. L'adrénaline avait réussi à la faire arriver seulement une dizaine de minutes plus tard. Alors qu'habituellement, elle en prenait une trentaine, voire une vingtaine si elle avait de la chance. C'est ainsi qu'essoufflée comme jamais, elle s'écrasa sur son canapé et alluma la télévision.


-Un attentat à la bombe vient de se produire au quartier des affaires et du commerce de Paris. Le bilan est encore incertain. Mais il y a minimum cinquante blessés et cinq morts, dont le terroriste qui a été tué par les militaires présents sur place. Un tram et deux métros ont déraillé en arrivant, à cause de l'explosion. Les secours sont en train d'évacuer le plus rapidement possible les victimes.


Hally voyait flou. Elle posa son visage sur ses mains elles même posées sur ses genoux. Elle n'entendait plus ce que disaient les présentateurs et ne voyait plus les images du désastre qui venait de se produire. Elle regardait son téléphone en biais. D'un côté elle le remerciait de tout son corps, mais de l'autre, elle se demandait pourquoi. S'il le savait, pourquoi est ce qu'il n'avait pas prévenu la population de cette attaque. Mais surtout, comment était-il au courant, quel lien avait-il avait tout cela et qui était-il ?


Il connaissait Lynda, mais d'où et comment ? Un tourbillon de questions sans réponses la poussa à taper frénétiquement sur le clavier de son téléphone. Des larmes non volontaires s'écrasaient sur ses doigts, puis elle commença à trembler. Avant de ne plus avoir de force, elle envoya le message. Sa vision était dorénavant brouillée par les larmes. Elle suffoquait presque : elle avait frôlé la mort.

ParanoïaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant