16 mai 1940
J'ai très mal dormi, au contraire des enfants qui eux ont dormi comme des anges. Je n'ai cessé de me retourner sur l'étroit matelas sur lequel on m'avait installée. Je repensais au convois mitraillé, aux hommes à la guerre, à mon frère sur le front. Je tremblais pour lui. Je n'arrivais pas à penser à autre chose qu'à la guerre. Je me demandais si mes petits élèves allaient bien, s'ils avaient pu évacuer, s'ils avaient trouvé un havre de paix comme nous. Je ne voulais pas continuer plus loin et en même temps, je voulais fuir, m'éloigner le plus possible des combats. Ici tout semblait si calme. Juste le silence. Le bruit des animaux nocturnes. Et les ronflements de mon voisin de chambre. J'ai enfoncé mon oreiller sur ma tête et j'ai compté les moutons jusqu'à 3256. A ce moment là, le soleil s'est levé, éclairant doucement la chambre et j'ai poussé un grognement de désespoir. Je n'avais pas fermé l'œil. Je me suis levée avec les cheveux en batailles et de tous petits yeux, suis passée par la salle de bain enfiler une robe de chambre puis j'ai réveillé doucement la petite pour la débarbouiller et la coiffer. Une fois que ce fut chose faite, je me suis attelée à démêler mes cheveux puis à les attacher correctement avant d'enfiler un chemisier blanc et un ensemble tailleur brique agrémenté de mes sempiternelles chaussures noires. Nous sommes ensuite descendues dans la salle à manger où une douce odeur de chicorée flottait. Les habitants nous on offert des tartines de fromage blanc que nous avons saupoudrées de cassonade. C'était vraiment délicieux. Pas de nouvelles de la Belgique ce matin. Les parents ont décidé, sur invitation des Jeunois, la famille chez qui nous logeons, que nous resterons ici. Le village manque d'un instituteur. Ils n'ont jamais vu une femme faire la classe aux garçons et aux filles ici mais bon, ils se contenteront de moi. Monsieur Marcel, l'instituteur, a été appelé sous les drapeaux comme beaucoup d'autres hommes ici. Marcel et la petite viendront en classe également, Alice m'aidera. Maman et Henriette aideront Louise Jeunois à la maison et dans son magasin tandis que Papa aidera Aimé, le mari de Louise, à l'usine. Il était hors de question que nous soyons logés, nourris et blanchis sans rien faire en retour.
Je commence à donner cours dans deux heures. J'ai des crampes au ventre tellement je suis nerveuse. Alice et moi avons mis au point un horaire pour essayer d'occuper au maximum les enfants de façon éducative. Nous avions décidé de rassembler tout le monde dans la même classe. En effet, il était impossible pour moi de commencer à donner cours à 6 classes de filles et 6 classes de garçons. Le matin, les petites sections, c'est à dire les trois premières années, mixtes, auraient cours ensemble. Pendant ce temps, Alice ferait faire aux plus grands des exercices sur la matière vue la veille, à l'exception du vendredi où ils auraient gymnastique avec un garçon du village encore trop jeune que pour être mobilisé. L'après-midi, ce serait l'inverse. Les petits feraient des exercices, à l'exception du vendredi toujours, et les grands auraient classes avec moi. Je commence directement par français et mathématique avec les plus petits aujourd'hui puis géographie et sciences avec les plus grands. Alice, elle, apprendra à les connaître. J'espère que cette journée se passera bien.
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Journal intime d'une résistante
Historical FictionBonjour, je m'appelle Odile Maret,j'avais 20 ans en 1940. Le 10 mai 1940, mon pays est entré en guerre, ce jour-là, l'Allemagne a franchi nos frontières. Je ne sais pas ce qu'il adviendra de moi, alors je laisse ce journal, un journal qui racontera...