Le prévot (partie 1)

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La plaidoirie de Saalyn n'est pas une accumulation de faits mais elle suit un plan précis de façon à mener au coupable de façon sure. J'ai découpé ce chapitre en morceaux que je diffuserai au rythme de un par semaine afin que vous puissiez chercher les réponses par vous-même avant que Saalyn ne donne la réponse. Tout figure dans les chapitres précédents, n'hésitez pas à vous y reporter.

***

Le prévôt arriva pendant la nuit. Je n'entendis rien, aucun grincement de roues ni de clopinement de cheval. Mais au matin, notre hôte nous l'annonça. Je décidais de faire un tour du côté de l'hôtel de ville afin de savoir ce qu'il en était. Vu les enjeux, j'avais choisi d'offrir de moi une image de femme sûre d'elle. Un chemisier cintré que je ne boutonnai pas jusqu'en haut, un pantalon de cuir serré sans être moulant et des bottines. J'ajoutais un maquillage léger, je n'étais pas de ces stolzin qui pouvaient s'en passer en modifiant localement la couleur de leur peau. Muy, qui en était capable, m'avait avoué qu'elle-même ne recourait pas souvent à cet artifice tant il demandait une concentration de tous les instants. Ma pentarque avait choisi une de ces robes d'été qui la rendait à la fois si désirable et si innocente. Elle renforçait ainsi son côté adolescent. Nous avions l'air d'un maître accompagnée de son apprentie. Et je pense que c'était le but recherché. Comme les villageois l'avaient vue en action, par contrecoup cela augmentait mon aura : si un simple disciple pouvait accompl de telles prouesses, de quoi son instructeur pouvait-il être capable ?

Un calsihon avant le cinquième monsihon, Jared vint nous chercher. Son regard s'attarda un moment sur Muy, sur sa silhouette à la fois trop et trop peu dévoilée. Le pauvre, face à une experte comme elle, il n'aurait aucune chance. Le pauvre ? L'eclair qui brilla dans l'œil de ma pentarque me mit la puce à l'oreille. Elle était ressortie hier soir pour prendre l'air. Je n'aurai pas été surprise qu'elle se soit un moment égarée dans les bras de notre beau guide. En fait non, j'en était parfaitement sûre. Je lui posais mentalement la question, elle me'que c'était le genre de frasque qu'on attendait d'un apprenti et qu'elle se devait de jouer son rôle jusqu'au bout. Mais nous savions elle et moi qu'elle n'avait pas un tel sens du sacrifice.

— Le prévôt est d'accord pour le rendez-vous, annonça Jared après les salutations d'usage.

— Il viendra ici ? demandai-je.

— Non, il vous attend à l'hôtel de ville.

Je m'y attendais. Un notable n'allait certainement pas se déplacer pour deux étrangers. Et à fortiori pour des femmes. J'avais eu de la chance de naître en Helaria qui ne faisait pas de différence entre les sexes – même notre langue ne le comportait pas de genre – mais le reste du monde était loin d'être égalitaire. Et la Diacara n'était pas la pire.

— Nous vous suivons, dis-je.

Nous emboîtâmes le pas au jeune paysans qui nous guida jusqu'à l'hôtel de ville. Dans un village aussi petit, ce n'était qu'un grand hangar qui servait un peu à tout en fonction des besoins. Il portait ce nom parce que c'est la que le prévôt officiait quand il était présent. Mais on aurait pu l'appeler salle des fètes, salle de mariage, voire silo à blé lorsque qu'il recevait les sacs de céréales le temps que les commerçants viennent chercher pour les revendre en ville.

Pour la venue du notable, les villageois avaient tiré une grande table et disposée plusieurs chaise de façon à créer une sorte de salle d'audience. Le prévôt était encore debout, il discutait avec quelques notables. Contrairement à ceux, sédentaires, qui officiaient en ville qui finissaient par devenir ventripotent, ceux de la campagne, toujours à courir par monts et par vaux arrivaient à garder une silhouette élancée. Après tous ces villageois râbles aux muscles noueux, courbé par le par le travail des champs, voir un homme svelte au corps droit et au port altier me fit de l'effet. Quand nous entrâmes, il tourna la tête vers nous. Le coup d'œil appréciateur qu'il lança dans ma direction me montra que je ne lui étais pas indifférente. Puis son regard se posa sur Muy. Pendant un moment, il ne réagit pas. Soudain, il se figea. Il ne la quitta plus des yeux jusqu'à ce que nous arrivâmes à son niveau. Sa réaction me surprit. D'accord elle était sublime dans sa petite robe d'été. Mais en temps normal, étant plus grande, plus voluptueuse, plus athlétique, j'attirais plus les regards qu'elle. Là, il paraissait subjugué.

Le Village (La guerrière libre - 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant