Chapitre I

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Dans la fraîcheur de l'eau limpide, les pieds nus d'Anne-Sarine caressaient les galets soyeux de la rivière.
Une multitude d'alevins tournoyait tout autour, s'éparpillant dans le cours de l'eau à chaque vibration qu'effectuaient les mouvements de ses orteils délicatement vernis.
Inlassablement, ils revenaient prendre place près de la jeune femme.
Non loin, les cris joyeux de quelques enfants faisaient écho dans tout le bois verdoyant.
Amusée par les sauts vertigineux de certains intrépides, la jolie rousse ne retint pas ses gloussements après la légère crainte ressentit à l'idée d'une probable mauvaise réception.
L'un des garçons s'essaya même à faire une pirouette incroyable en sautant en arrière.
Anne-Sarine ne décrocha pas son regard, retenant son souffle et suspendue à l'action imminente qui allait se produire.
Le saut fut une réussite ! Elle applaudit nerveusement en laissant son roman glisser sur ses genoux.

Elle avait du mal à rentrer dans le nouveau chapitre qu'elle débuta en venant se poser là en ce bel après-midi de juillet.
Résolue à ne pas pouvoir lire son livre paisiblement, elle le referma et le rangea dans un grand sac en toile disposé juste à ses côtés.
Ses jambes blanches avaient l'aspect de celles de ces poupées en porcelaine. Délicates et fragiles à la fois.
Elle portait une jolie robe fleurie et un long chapeau dont le volant recouvrait la moitié de son fin visage.
L'on distinguait cependant ses lèvres peintes d'un rouge carmin et l'arrête de son petit nez.
Un doux rayon de soleil caressait sa joue découverte, mettant ainsi en évidence ses taches de rousseur éparpillées comme une constellation étoilée et l'une de ses mèches de cheveux.

Le lieu était peu fréquenté car peu connu du monde. Juste quelques riverains venaient picniquer ou se baigner aux abords de la Galaure.
Les enfants présents étaient une bande de cousins qui n'habitaient qu'à quelques kilomètres.
Ils étaient venus à vélo, Anne-Sarine les avaient vu éparpillés au sol à quelques pas d'ici sans doutes abandonnés à la va-vite tellement l'envie de s'amuser en haut de la grande butte, destinée comme plongeoir, était trépignante.
Un peu plus loin, un couple se promenait avec leur grand malinois qui allait chercher le bâton que son maître répétait à lançer au milieu de l'eau. Ils s'en donnèrent, l'un comme l'autre, à cœur joie.

Seule au milieu de ces petits moments de vie, Anne-Sarine semblait attendre en restant spectatrice.

Soudain un bruit, sûrement le petit cliqueti du déclencheur d'un appareil photo numérique l'interloca.
Elle se retourna aussitôt.

- Bonjour, Mademoiselle..., sourit un jeune homme agenouillé à quelques pas d'Anne-Sarine, son appareil dans les mains tout en essayant de cadrer une autre prise de vue.

Les déclanchements se succédèrent tandis que la rouquine redressa son chapeau laissant ses grands yeux verts parler au photographe avec une tendre complicité.

- Bonjour, Monsieur..., répondit-elle amusée lorsqu'il se releva pour se rapprocher.

Anne-Sarine tenta d'en faire de même mais le jeune homme l'invita à rester assise, se penchant délicatement vers elle afin de déposer un chaleureux baiser sur le front qui s'offrait à lui.
Son beau visage lui souriait.

- Désolé pour le retard, j'espère ne pas t'avoir fait trop attendre., reprit-il en déchaussant ses Converses.

- Oh, non ! Du tout ! J'étais plongée dans mon livre puis j'ai plongé, par la pensée, avec les jeunes là-bas... regarde, ils n'ont pas froid aux yeux !

- Ah oui ? Effectivement ! Je ne sais pas si j'aurais eu le même courage à leur âge ! Ni maintenant d'ailleurs... Ahah !

Disposant avec précaution son appareil sur ses baskets, le grand brun s'asseya tout près de sa belle amie.
Il attrapa l'une de ses mains et la porta à sa bouche pour la couvrir d'une série de baisers tendres.

Immersion en nos troubles Où les histoires vivent. Découvrez maintenant