Immersion en nos troubles

Chapitre III

- On ne va pas se mentir, Faustine...

- Oui, j'en suis consciente, mais bon...

- Alors laisse-le donc dans la nature celui-là. Tu as déjà pas mal de chats à fouetter. Je ne comprends pas ce besoin viscéral que tu as de vouloir les collectionner ! Et ce qui m'énerve le plus, c'est que tu les as tous ! Penses aux nanas comme moi, bon sang ! Je n'arrive même pas à m'en mettre un sous la dent ! Ahah ! gloussa Tessa en croquant dans un tronçon de carotte qu'elle venait de piocher dans le ramequin en verre disposé sur la table basse du salon.

- Mais je te jure, Tessa... Il est canonissime !

- Un marchand de parfums, Faustine ! Tu descends dans le bas de gamme.

- Rhooo, mais on s'en tape ! Penses à tous ces parfums hors de prix que je pourrais avoir à l'œil ! Et puis... Il avait l'air d'en avoir dans la caboche.

- Mais pas dans le porte-feuille !

- Pour cela, il y a Baptiste...

- Garce ! Tu vois comme tu es ! Rappelles moi juste à combien tu en es ce mois-ci ?

Croquant à son tour dans une crudité qu'elle venait de tremper dans un mélange de fromage blanc aux herbes, Faustine roula les yeux vers le ciel et débuta son calcul mental.

- Mmmh, si on ne compte pas Fred Langlois qui est parti en Australie pour affaires les six prochaines semaines... Quatre !

- Tu me blases...

- Je n'y peux rien.

- Tu penses que tu vas arriver à te caser un jour ?

- Pour quoi faire ? Me priver de liberté et me contenter d'un seul homme dans un déversement de frustration ?

- Si tu le dis ! haussa des épaules la jeune femme au teint ébène.

Tessa était une trentenaire d'origine togolaise. Elle et Faustine s'étaient rencontrées sur les bancs de l'ENS à Lyon. À l'époque, Faustine prépara un Master orienté vers les métiers de la recherche. En biologie environnementale.
Tessa en était déjà à son second cycle bio-informatique.
Très vite, elle s'étaient liées d'amitié et furent très complices lors de nombreuses soirées étudiantes.

Aujourd'hui, Tessa était devenue une bio-informaticienne très prometteuse.
Mettant ses compétences en biologie et en informatique au service de la recherche contre le cancer, elle jonglait entre Lyon et Paris dans une unité de recherche cancer et génome.
Elle travaillait sur la récupération, l'organisation et le traitement des données de séquençage ADN.
Faustine décrocha quant à elle, un poste de biologiste à la GREBE - Groupe de Recherche et d'Etude Biologie et Environnement - spécialisé dans l'analyse du phyto-zooplancton, des diatomées,
des macrophytes, des invertébrés benthiques et de la faune piscicole.
Son bureau d'étude gèrait, traitait et analysait des données physico-chimiques, hydromorphologiques et hydrobiologiques. Autant de termes complexes qu'elle évitait d'étaler lorsqu'on l'interrogeait sur son domaine professionnel. Sauf si cela valait la peine d'en mettre une couche à son interlocuteur.
Son travail concernait essentiellement les milieux aquatiques et pour être très succincte, elle expliquait qu'elle partait avec ses seaux et ses épuisettes afin de décoder tout ce que comporte l'eau et les sédiments des rivières dans son petit laboratoire d'analyse.

Ce soir-là, les deux copines s'étaient données rendez-vous dans le charmant duplex de Faustine en plein cœur de Lyon. La vue sur la cathédrale de Fourevière était imprenable.
Près de trois mois s'étaient envolés tandis qu'elles n'avaient pas réussi à trouver un moment pour elles en dehors de leurs échanges réguliers par mail et téléphone.