Immersion en nos troubles

Chapitre II

* Huit mois plus tôt *

Il était presque 13h00 et la galerie marchande du grand centre commercial de la Porte des Alpes était bondée en ce 19 décembre.
Les gens s'affolaient dans leurs achats et une certaine tension était palpable. Tout cela était très certainement dû à l'approche du jour fatidique de Noël.

Plantée devant la vitrine d'une parfumerie, une jeune femme brune scrutait les dernières nouveautés mises en exposition de manière très festive et attractive.
La boutique était pleine à craquer de clients et les effluves mélangées de parfums s'étalaient jusque dans l'allée.
Faustine était là pour la même raison que tous les autres. Trouver des présents à offrir à ses proches le soir du Réveillon.
Il y avait de quoi se casser la tête entre ses deux demi-frères nés d'une première union avec sa mère et ses trois petites sœurs.
Tous étaient de jeunes adultes dont la stabilité déconcertante faisait jaser certains. Ils excellaient tous dans leur domaine de prédilection et se sentaient clairement bien dans leurs baskets.
Seule, peut-être, Faustine sortait du lot avec un premier divorce essuyé il y avait déjà quelques années et une enfant de 14 ans dont elle avait la garde principale.
Aucune animosité ne s'était produite lors de sa séparation avec Ruben alors que Louisa n'avait que trois ans. Le couple avait finit par réaliser au bout de six années de vie commune qu'ils n'étaient plus sur la même longueur d'ondes et que l'amour n'était plus au rendez-vous.
Ils se croisaient régulièrement car ils n'habitaient qu'à trois pâtés de maisons l'un de l'autre. Ce qui n'était que trop pratique pour l'alternance de garde et l'équilibre de leur fille unique. Cependant Ruben était contreint depuis quelque temps à partir en déplacement sur de longues périodes pour son travail de commercial en Hi-fi haute-gamme.

La jeune femme était du genre à effectuer les choses à la dernière minute de façon plutôt désorganisée.
Nous étions le 19 et elle n'avait absolument pas anticipé sa recherche de cadeaux.
En réalité, elle détestait cela !
Et malgré le fait que tous avaient établi méthodiquement une page de discussion sur une application mobile concernant chaque membre de la famille, dans le plus grand mystère de l'intéressé, elle n'avait pas prêté attention aux souhaits des uns et des autres.
Elle n'avait pas plus établi de "wishlist" la concernant.
C'était en fait toujours la même chose.
Une série de livres pour Victorien, des objets design qui encombreraient le loft de Flavie, un pull en cachemire et toute une panoplie d'accessoires pour Violaine, la dernière maquette du navire militaire USS Yorktown 1/350ème pour Virgil, une multitude de 45 tours pour Clarisse...
Louisa aussi avait le droit à sa fenêtre de discussion spéciale cadeaux.
Il n'y avait cependant aucune vraie surprise. Faustine lui disait lors de chaque nouvelle notification le contenu de la discussion.

"Tonton Vic t'a pri le bouquin que tu voulais" "Est-ce que le miroir en rotin de chez Maison du monde te convient ? Car tata Flavie est parti sur cette idée... "

C'était pour Louisa le gage de ne être déçue lors du déballage au pied du sapin et de garder assurément un sourire reconnaissant face à ses généreux pères Noël.

Il fallait aussi penser à sa mère, qui pour le coup ne réclamait jamais rien si ce n'est la présence de tous à son repas de fête.
Un parfum ferait l'affaire, son préféré de Guerlain. Après tout ce n'était pas trop se planter.
Après une grande inspiration comme pour remplir ses poumons d'air avant de partir en immersion dans cet aquarium devenu presque irrespirable, la grande brune s'engouffra dans la parfumerie.

La vue de la file d'attente sur les trois caisses ouvertes, donna la nausée à Faustine. Il fallait se faire violence.
Il y avait moins de monde devant les fragrances masculines. Tout de suite , la jeune femme se faufila vers l'univers Saint Laurent.
Machinalement mais timidement, et pour ne pas passer pour un satellite hors de son orbite, elle commença par sentir la tête d'un premier flacon. Puis un second sans même prêter attention au nom de la bouteille qu'elle tenait dans sa main.
Elle scrutait du coin de l'oeil le côté féminin encore trop engorgé à son goût.
Agacée, elle soupira et reposa à sa place le flacon qui ne l'avait pas convaincu de son contenu.