Immersion en nos troubles

Chapitre VI

Sophie était en train de finioler la disposition de ses couverts sous le regard attentif de sa fille Clarisse.
Avec une précision au millimètre près, chaque pièce de sa précieuse argenterie prenait place sur l'immense table de la salle à manger. On avait l'impression qu'un repas de chefs d'états allait se tenir en ce lieu.

- Clarisse, va me chercher les serviettes brodées je te prie., demanda-t-elle tout en se redressant. Elle recula de quelques pas pour admirer le rendu de la table.

- Celles de grand-mère Bruxelles ?

- Celles-là même., acquiesça la dame

- Tu crois qu'il va y en avoir assez cette année ? interrogea Clarisse qui était déjà agenouillée devant les portes du grand buffet en chêne massif.

- Nous verrons bien. Sinon, nous alternerons avec celle de mon mariage.

- Bonne idée ! se rammena-t-elle avec lesdites serviettes en ses fines mains

- Merci, ma chérie.

- Je les dispose ?

- Non, non. Ça ira. Appelle donc le fleuriste pour savoir si les compositions sont prêtes. Il est presque 16h00 et nous n'avons pas de nouvelles.

- Oui. Il devait les livrer ?

- J'ai un doute. Mais à cette heure je ne peux plus me permettre de me déplacer. Mon repas mijote. Tu lui demanderas si il peut passer, s'il te plaît.

- Très bien. Je vais chercher mon téléphone.

- Prends donc le fixe, Clarisse !

La jeune fille avait déjà disparu. Et alors que Sophie terminait de placer ses serviettes en tissu, la sonnette retentit.
Reajustant prestament sa robe en tweed parme, elle se dirigea jusqu'à l'entrée.
Deux silhouettes apparaissaient derrière la verre martelé de la porte vitrée.
Elle décrocheta ses deux cadenas et ouvrit la porte avec un large sourire aux lèvres.

- Joyeux Noël, mamounette ! s'exclama un jeune homme au teint mâte qui ouvrit grand ses bras en direction de Sophie.

- Mon Victorien ! enlaça-t-elle l'immense garçon qui la recouvrit de son entièreté une fois ses bras refermés sur la petite dame. Laisse-moi te regarder ! Comme tu es beau dans ce manteau ! Et cette coupe de cheveux te va à ravir., reprit-elle pleine d'admiration en lui pinçant tendrement sa joue velue.

- Maman... Ahah ! se sentit gêné le grand brun. Je te présente mon ami. Celui dont je t'ai parlé la semaine passée. Julien Bayle.

- Bonjour Madame Dumont., s'avança Julien en lui tendant la main.

- Ouiii ! Ton ami délaissé pour les fêtes par son entourage... C'est si triste en ces périodes... Bienvenu, Julien !, serra-t-elle la main offerte avec un poigne de fer qui surprit le jeune homme. Enchantée. Appelez-moi Sophie... Mais entrez donc !

Sans attendre, Victorien tendit un large bouquet de fleurs à sa mère alors qu'il la regagnait dans le hall d'entrée lumineux.

- Oh, merci mon grand ! Il est superbe., se délecta Sophie en plongeant ses narines dans les roses nacrées.

- Tout le monde est là ? questionna le grand homme en déboutonant son long manteau en laine de couleur caramel.

- Vous êtes les premiers. Mais excusez-moi, je dois filer en cuisine. Tout est sur le feu ! Je vous laisse vous mettre à l'aise ou bien va montrer sa chambre à ton ami., accourru-t-elle dans le couloir en direction de ses fourneaux.

Là, Clarisse déferla les marches d'escalier qui donnaient sur le hall et enfila un large snood qui pendait sur le crochet du porte manteau. Elle n'avait pas fait attention aux deux hommes encore présents dans le hall d'entrée.