15 novembre 2038, 9h 22
La voiture se gare spontanément à la place réservée au personnel qu'elle occupait la veille, me sortant de mes conjectures. J'ai passé l'intégralité du trajet à penser à Katell, me demandant de quoi, ou plutôt de qui, elle a peur. Un peu tout le monde, je l'avais compris, mais y a-t-il quelqu'un en particulier, à son école, qui la perturberait plus que les autres ? Le ronronnement du moteur s'arrête, et je sors de l'habitacle, retirant la clé du contact. Je me surprends à jouer avec le porte-clés. Cela me rappelle que j'avais une pièce d'un quart de dollar, avec laquelle j'avais l'habitude de m'occuper. Je me souviens l'avoir laissé dans la poche de mon uniforme de CyberLife. Dommage. Peut-être en trouverais-je une autre plus tard.
Je me rends à pied au Jimmy's Bar qui a ouvert à huit heures. Je me remémore le chemin que j'ai emprunté la première fois que j'y suis allé. C'est exactement la même rue, le même trajet, tout est identique. Même les néons lumineux qui écrivent les noms des établissements sont allumés en ce matin sombre, alors que dans d'autres conditions météorologiques leur éclat vif ne serait pas nécessaire. C'est comme si je revivais le jour où je parcourais ce quartier pour la première fois. Je me retrouve face à la porte du bar. Je m'attends à revoir les mêmes visages, rechercher à nouveau le lieutenant Hank Anderson parmi les nombreuses personnes qui se trouvaient là ce fameux soir pluvieux du cinq novembre 2038, à vingt-trois heures et vingt-et-une minutes.
Je passe la porte sur laquelle est toujours affiché le cartel interdisant l'accès aux androïdes. Très peu de clients sont à l'intérieur, en train de petit-déjeuner. Je me dirige vers le bar derrière lequel s'affaire le propriétaire qui me jette un regard en me voyant entrer.
- Salut Connor.
- Bonjour Jim. J'ai ramené votre voiture, dis-je en posant les clés sur le comptoir.
- Elle est garée où ?
- Au même endroit où vous l'avez laissée hier soir.
- Ça c'est cool. Merci.
Il récupère les clés et les mets dans la poche de son pantalon. Je jette un coup d'œil plus attentif au local dans lequel il a aménagé son entreprise. Je n'avais pas souvenir que l'endroit était aussi éclairé la première fois, ni même hier soir. Le changement de client implique probablement aussi un changement d'ambiance passé une certaine heure, du moins je suppose.
- Je te sers un truc ? reprend Jim.
- Non merci, c'est gentil.
- Tu es sûr ?
- Certain. Et puis, je n'ai pas de quoi payer.
- T'as l'air aussi paumé que Katell, toi...
Ce rapprochement m'interpelle. Sur quoi se base-t-il pour dire ça ?
- Sur quoi vous basez-vous pour dire ça ?
- Vous avez le même regard à la fois méfiant et terrifié. Comme si vous étiez traqués dans un monde dont vous ne connaissez rien.
Je n'avais pas l'intention de poser la question. Rah ! Pourquoi faut-il toujours que je formule les questions que je me pose tout le temps ? Néanmoins, sa réponse me semble intéressante. Il a complètement vu juste. Si Katell vit dans la peur tous les jours depuis son entrée à la DNSE, moi-même je m'expose un peu plus au danger chaque jour en restant à ses côtés. Non pas par sa faute, car elle n'y est pour rien, mais parce que je sais que les chances pour que CyberLife se rende compte de mon évasion ont une certaine probabilité de ses réaliser. Mais je ne peux pas abandonner Katell dans ce monde qui n'hésitera pas à l'accabler à la première occasion. Plus que ça, je ne veux pas. C'est peut-être la première fois que j'exprime une réelle volonté, en dehors de celle qui m'a poussée à devenir déviant. Celle de ne pas vouloir mourir. Et maintenant celle de ne pas vouloir abandonner Katell à son sort tragique et sans issue possible. Je n'ose pas confirmer l'intuition de Jim et choisis de me taire.
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Make Me Real (Connor: After Detroit)
FanfictionTW: VIOL & VIOLENCES SEXUELLES La révolution androïde ayant été vaincue, Connor ne peut que constater qu'à la suite de la réussite de sa mission, CyberLife compte désactiver le prototype qu'il est pour le remplacer par un modèle définitif. Il compre...