Chapitre quatre: Mise en scène

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15 novembre 2038, 5h 30


Ma mise en veille s'achève. J'ouvre les yeux et contemple le plafond mangé par les insectes. J'ai passé la nuit dans le canapé, laissant Katell profiter de l'espace de son grand lit. Je n'avais pas de raison de lui tenir compagnie, et je pense qu'elle a besoin de voir que je ne la force en rien. Que je suis là pour elle, juste parce que je l'ai décidé. De même, je n'ai pas osé la déshabiller pour lui mettre des vêtements de nuit. L'effet conjugué de l'alcool et de son dernier choc émotionnel ont eu pour effet de l'assommer physiquement. Dans son état, quelqu'un de malintentionné aurait sûrement pu faire ce qu'il désirait d'elle. Mais ce n'est pas mon cas. Je me suis abstenu, jugeant que cela lui donnerait une nouvelle preuve de ma sincérité. Son réveil sonne dans une demi-heure, et elle doit parcourir la moitié de la ville en bus pour aller à la fac. Je décide de me lever pour lui faire à déjeuner. Je tire une couverture que je suis pourtant sûr de ne pas avoir prise au moment de me coucher. Katell se serait-elle levée dans la nuit ? C'est une certitude. Elle a donc remarqué mon absence à ses côtés, et le fait que je n'ai pas profité de la situation. Je verrai ce qu'elle en dit si elle m'en parle plus tard.

Je quitte le canapé et me dirige dans la cuisine. Cette nuit encore, j'ai dormi avec mon jean volé et la chemise de mon ancien costume trois pièces. Il serait peut-être tant que je me procure de quoi me changer de temps en temps, ne serait-ce que pour continuer à simuler un comportement humain crédible. De plus, difficile de se procurer des vêtements sans argent pour le payer. Reste également le souci que je n'ai pas d'odeur spécifique, qui lui risque d'être plus épineux. Je pense réfléchir à ce problème aujourd'hui. Le chat, assis sur le comptoir, m'observe pendant que je reproduis les gestes que Katell m'a appris hier, comme s'il avait tout de suite deviné ma nature robotique et me jugeait. Je lui jette de temps en temps un regard suspicieux, en laissant les aliments cuire à feu doux. A quoi je m'attends au juste ? Ce n'est pas comme si il allait prendre la parole et entamer une conversation avec moi pourtant... Je prépare les tartines de Katell et les insère dans le toaster en face de moi en essayant désespérément de me rappeler qui avait l'habitude de me comparer à cette machine aussi rudimentaire dans mon ancienne vie. Sûrement un des collègues de Hank, un officier de la police de Detroit. D'ailleurs, vu que je pense à lui... Qu'est-ce-qui s'est passé sur le toit de cet immeuble, très exactement ?

Je me replonge dans mon passé. Je suis obnubilé par ma mission. Quelle est-elle déjà ? Ah oui. Neutraliser le leader des déviants. J'ouvre la porte qui mène au toit. La neige inlassable tombe toujours à grosflocons. Je tiens la poignée d'une valise longue et fine dans ma main droite. Ma première étape : trouver un poste d'observation.Je me dirige vers le rebord du toit sur lequel se dresse une barrière de protection ridiculement petite. Elle ne m'arrive pas au genou. Je m'accroupis et détache les deux charnières qui ferment la mallette élancée. Un fusil sniper de haute qualité repose à l'intérieur, encadré par une couche de mousse qui reproduit et le maintient parfaitement, lui et chacune de ses pièces détachées.Je saisis la crosse et le canon long que je visse avec précision et délicatesse, comme l'assassin que je suis à ce moment précis. Je m'empare ensuite de la lunette que je connecte d'un coup sec sur l'embout destiné à la tenir en place, puis termine en insérant le chargeur, contenant peu de munitions, certes, mais assez pour traverser le crâne de Markus de part en part en une poignée de secondes. Je termine par l'installation du trépied qui stabilisera mon arme sur la rambarde incertaine, et me positionne sur des appuis assurés, de manière à n'avoir qu'un seul tir à faire. Je place mon processeur visuel au bord de la lunette et repère Markus. J'ajuste mon angle de tir. Je perçois des bruits de pas se dirigeant vers moi, tandis que je pose délicatement mon doigt sur la détente. Une voix m'interpelle...

Make Me Real (Connor: After Detroit)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant