Apprends-moi/fan-fiction camren

Partie 45

    Camila

Depuis que je suis arrivée ici, mes rares escapades se sont résumées à deux sorties en bateau avec la famille, une soirée écourtée sur la plage et un tour désastreux en ski nautique avec Matthew... Dinah a raison !

Nous dégotons deux vélos dans le garage, et nous partons sur les routes, comme des touristes. C'est les vacances, mais avec tout ça, c'est comme si j'avais oublié le sens de ce mot.

- Qu'est-ce que tu as déjà visité ? me demande Dinah alors que nous franchissons la grille de la propriété.

- Rien, en fait.

- J'en étais sûre ! Tu n'es même pas allée jusqu'au phare de Castillo Del Morro ? On va commencer par ça... C'est touristique, mais c'est tout de même le paysage qui a été immortalisé par les plus grands peintres.

A la fin de la journée, nous avons fait une bonne vingtaine de kilomètres à vélo, et je dois avouer que ça m'a changé les idées. Nous reprenons des forces devant une gigantesque glace à plusieurs boules, lorsque Dinah vérifie quelque chose sur son téléphone.

- Tu te souviens qu'on avait parlé de se faire tatouer, toutes les deux, avant la maladie de Sinuhe ? demande Dinah avec un sérieux inhabituel chez elle.

- Bien sûr, je m'en souviens... J'y ai souvent pensé, surtout depuis qu'on vit sur des côtes opposées. Je voulais te proposer de le faire ensemble, au même moment, toi de ton côté, moi à Cuba. Et avant de venir ici, je me suis renseignée sur les salons de tatouage dans la Havane. J'en ai même repéré un, aux excellentes critiques...

- Tu parles de Supernova, le tatoueur récompensé par plusieurs prix internationaux ? demande-t-elle avec malice.

- Exactement, tu le connais ?

- Je me suis renseignée, moi aussi, confie Dinah en souriant.

Elle pose son téléphone sur la table, un plan de la ville est affiché sur l'écran. Dinah pointe une direction.

- Et d'ailleurs, il doit être au coin de cette avenue, là-bas...

C'est ça qu'elle cherchait... Je souris.

- Tu veux dire qu'on pourrait se faire tatouer, maintenant ? m'écrié-je. Tu crois qu'il aura de la place ?

- Il est très réputé, c'est vrai qu'il peut être débordé, mais on peut toujours aller voir, propose-t-elle.

- On avait parlé d'une flèche...

- Exactement... Une flèche d'archer toujours prête à nous relier, partout où nous serons, continuons-nous d'une même voix.

A mon tour de dégainer mon téléphone. Après avoir fait défiler quelques photos, je le pose sur la table, à côté du sien.

- Et la voilà !

La flèche apparaît sur l'écran. Nous avions dessiné nous-mêmes le modèle et je l'avais pris en photo.

Nous nous sourions, heureuses de voir que nous restons connectées, malgré la distance. Inscrire ce genre de symbole sur sa peau est plus qu'une preuve d'amitié. C'est la matérialisation d'un lien indéfectible et presque sacré. Je suis heureuse de constater que cela lui tient à cœur tout autant qu'à moi.

Une fois devant la boutique du tatoueur, Dinah fronce les sourcils.

- Mais Alejandro... Est-ce que ça ne va pas te créer d'ennuis ? Tu m'as dit qu'il n'était pas très porté sur les tatouages...

- Ça risque de ne pas vraiment lui plaire, effectivement. Mais je ne compte pas lui demander son avis... C'est ma peau. Et puis, c'est important pour moi, qu'on fasse ce tatouage ensemble. J'ai besoin de sentir ce lien dans ma chair.

Et puis des efforts, j'en ai fait, je continue d'en faire. Un sacrifice, même... Mais je ne vais pas renoncer à ce que je suis, je me le suis toujours promis.

Nous poussons la porte de la boutique et un tatoueur à la peau recouverte de dessins multicolores nous accueille. Des animaux fantastiques se partagent l'espace de ses bras tandis que des plantes étranges s'entre-dévorent sur ses épaules. Nous lui présentons notre motif de flèche dessiné par nos soins. Il hoche la tête.

A cette heure-ci, le salon est vide et deux tatoueurs sont libres. Dinah et moi nous faisons donc tatouer en même temps, en nous jetant des coups d'œil complices et ravis, malgré la morsure de l'aiguille.

Le dessin est simple, et une heure plus tard, nous sortons de la boutique avec une flèche nichée au creux de l'avant-bras sous le pansement.

Je me sens bien quand je sors de la boutique, comme si je portais en moi la sécurité de cette relation, comme si nous étions plus connectées que jamais. Je connais Dinah depuis toute petite, elle est comme une sœur pour moi, une sœur que je me serais choisie, et qui fera toujours partie de mon existence.

De retour à la maison, je troque mon T-shirt contre une chemise légère qui permet de protéger le dessin du soleil. Et, aussi, accessoirement, de retarder le moment où je devrai affronter les reproches de mon père... Je ne compte pas le lui cacher éternellement, mais il aura bien le temps de le découvrir plus tard.