pluie - taekook

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Il pleuvait. Je regardais par la fenêtre. J'évitais de trop te regarder. Tu étais assis. Juste à côté de moi. Je sentais ton odeur. J'entendais ta respiration. Je pouvais toucher tes pensées. Je ne sais pas ce qui m'empêchait d'exploser. Je ne sais pas. Tu étais là. On était à deux dans notre chambre. Et il y avait quelqu'un d'autre.

« -Il y a quelqu'un d'autre. »

Il y avait quelqu'un d'autre.

Tes yeux me fuyaient. C'était terrifiant. Tu avais toujours été mon refuge. J'avais toujours été le tien. Mais tu me fuyais. Et pourtant je pouvais toucher tes pensées. Je pouvais les entendre. Et je savais. Et tu savais. On s'aimait. On s'aimait tellement. Et je voulais exploser.

« -Il y a quelqu'un d'autre. »

Il y avait quelqu'un d'autre.

Les grands immeubles de verre me donnaient le vertige. Colosses insaisissables. Lumières incontrôlables. Je fronçais les sourcils. Il fallait bien que je fasse quelque chose. Mais je tremblais. J'avais le vertige. Tu savais. On savait. On s'aimait. Putain.

« -Il y a quelqu'un d'autre. »

Il y avait quelqu'un d'autre.

Les gouttes venaient s'écraser contre la vitre. J'aurais voulu pouvoir les prévenir. Leur dire qu'il y avait cette vitre. Qu'elles allaient s'écraser. Couler. Mourir. J'essayais de leur dire. Mais elles s'écrasaient. Peut-être que c'est ce qu'elles voulaient. Peut-être que je ne voulais juste pas le voir, parce que moi j'aurais aimé qu'on m'empêche de m'écraser.

« -Il y a quelqu'un d'autre. »

Il y avait quelqu'un d'autre.

Putain. Taehyung. Les immeubles s'effondraient. Et moi j'avais encore plus le vertige. Je voulais m'effondrer avec eux. Peut-être que je m'effondrais déjà. Je sais pas. Je tremblais. Je t'aimais. Et tu savais. Tu savais. On s'aimait tellement. Les gouttes continuaient de mourir. Elles agonisaient sur la vitre. Elles criaient à l'aide. Ou c'était mon esprit qui criait. Je sais pas. Plus rien n'avait de sens.

« -Il y a quelqu'un d'autre. »

Je sais. Je sais. Arrête.

Je glissais ma main dans mes cheveux. Nerveusement. Tu aimais quand je faisais ça. Tu me le disais. J'étais beau. J'étais le seul qui comptait. Parce que tu. Tu. Cris de douleur. Agonie. Les gouttes de pluie couvraient le silence. Je tournais la tête. Je regardais derrière moi. J'étais debout. La fenêtre. Les gouttes. Les immeubles. Et toi. Toi tu étais derrière. A ma gauche. Je me souviens. Et tes jambes tremblaient. Encore plus que notre amour. Tes mains étaient jointes. Et ton menton était posé dessus. Comme quand tu avais appris que ta mère était une goutte de pluie. J'étais là, ce jour-là. Tu te souviens? Moi je me souviens. On s'aimait.

« -Il y a quelqu'un d'autre. »

Putain.

Pourquoi tu me fuyais comme ça? Pourquoi? Merde. Pourquoi. Le dernier jour de pluie, on l'avait passé à faire l'amour. Tu te souviens? Comme c'était beau. Parce qu'on s'aimait. Et que l'amour il se faisait tout seul. Et l'amour en réalité on le faisait pas. Il s'exprimait. On était juste ses instruments. De simples instruments de l'amour, impuissants. Guidés par la vie. Et c'était beau. Moi j'aimais ça. Mais toi? Toi? Je sais pas. Tu le savais pourtant. On le savait. On s'aimait.

« -Il y a »

Je veux pas savoir. On s'aimait.

La pluie avait cessé. Il n'y avait plus rien qui couvrait le silence. On était obligés de l'écouter. J'entendais tes jambes trembler. J'entendais tes larmes couler. J'entendais tes pensées. Elles te haïssaient. Elles t'attaquaient. Elles te lapidaient. Et toi tu me fuyais. Alors je m'étais tourné. Je sais pas si tu te rappelles. Mais moi je n'oublierai jamais ce regard. En réalité, c'était toi que tu fuyais. Et pourtant tu le savais. Tu le savais que je t'aimais. On le savait.

« -Jungkook. »

Ta voix était rauque. Ta voix était magnifique. Je pouvais t'écouter parler pendant des journées entières. Et je t'écoutais. Tellement. J'écoutais même ton silence. Parce qu'il n'y avait que ça qui m'inspirait. Il n'y avait que ça que je voulais. Ta voix. Ton silence. Ta présence. Alors pourquoi? Pourquoi est-ce que tout ça était devenu tellement oppressant, soudainement? Ça n'avait aucun sens. Tout ça n'avait aucun sens. Parce qu'on le savait. Tu le savais. On s'aimait.

« - »

Je me rappelle. Comme on avait haï la vie. On s'était regardés tellement longtemps. Parce qu'on le savait. C'était perçant. Et on pouvait pas rester comme ça. Notre amour pouvait pas être une goutte de pluie. On voulait l'avertir. On voulait crier. On voulait au moins l'empêcher de couler. Mais tout ce qu'on arrivait à faire, c'était le regarder agoniser. Peut-être que lui il nous avait prévenus. Peut-être que lui il avait crié. Et qu'en réalité c'était nous les gouttes. Mais qu'on voulait pas savoir. Je me rappelle. Je voulais qu'une chose.

« -Taehyung je t'en supplie. Dis le moi. Je t'en prie. »

On le savait. Il n'y avait pas besoin de le dire. Mais nous on en avait besoin.

« -Je t'aime. »

Et l'amour hurlait. L'amour se tuait. Il nous retenait. C'était crevant. On le savait. On le savait qu'on fonçait sur une vitre. Mais on s'était embrassés. Et cette fois-ci, c'était vraiment nous qui l'avions fait, l'amour. On l'avait fabriqué. Parce qu'on n'arrivait pas. On pouvait pas se dire qu'il y avait quelqu'un d'autre. Mais l'amour était déjà mort.

« - »

Tu te souviens. Je sais que tu te souviens. Ça fait sept mois, aujourd'hui. Je sais que tu te rappelles chaque mot. Chaque geste. Je le sais parce que moi je m'en souviens. Et je sais que tu y penses, en ce moment. Je le sais parce que ce matin il pleuvait. Je le sais parce que ce matin, tu n'étais pas là pour me dire bonjour. Pour m'embrasser. Et me dire je t'aime sans vraiment y penser, mais en y croyant. Je le sais parce que tu as ton menton qui repose sur tes mains jointes. Et que tes jambes tremblent. Je le sais. On l'a toujours su. L'amour nous avait prévenu, non? Qu'on s'écrasait. Et bah voilà. On avait glissé. On avait essayé de s'accrocher mais on glissait. Et on était arrivés en bas. Et on le sait. Je le sais. Tu le sais.

On ne s'aime plus.

« -Je crois que je ne t'aime plus. »

Mais moi non plus.

Au début c'était simple. De faire l'amour. De le fabriquer. De le provoquer. On y croyait. Il suffisait d'oublier. De faire comme avant. Mais c'était plus comme avant. Parce qu'il y avait eu quelqu'un d'autre. Parce qu'on s'était écrasés. Et que quelque chose s'était brisé. Alors au début on savait pas. On ignorait la fracture. C'était pas trop pénible. Mais avec le temps, la fracture s'est creusée. Il y avait un fossé entre nous. Et ta voix rauque ne me passionnait plus autant. Et toi tu admirais moins ma main quand elle passait dans mes cheveux. Et on le savait. On le sait. C'était irréparable. On avait besoin l'un de l'autre. Mais ce n'était plus de l'amour. L'amour il s'était écrasé avec les gouttes ce soir-là.

Alors quand tu me dis que tu ne m'aimes plus, je te réponds que je ne t'aime plus. Et quand tu pleures, je pleure. Et quand tu tournes la tête, je m'approche. Je te regarde droit dans les yeux. Je te donne un refuge. Je te donne ce dont on s'est privés pendant sept longs mois. Un peu d'honnêteté. Je te protège. Et je te prends dans mes bras. Et on pleure.

Il y avait quelqu'un d'autre, dans la pièce, ce soir-là. Et Taehyung l'avait chassé de sa vie, mais il était resté avec eux, pendant sept longs mois.

Il commença à pleuvoir. Et ils se promirent que c'était la dernière pluie de leur amour.

Esprits Égarés - Recueil d'OSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant