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Il faisait beau ce jour-là, à San Francisco. Le Dr Armie Washington n'aimait pas sortir, qu'il vente, qu'il neige, ou qu'il fasse un temps radieux à l'extérieur. Il était insensible à la température, mais il se faisait traîner de force par son épouse et partageait avec ses deux fils, Trevor et Kyle, la même expression navrante et dégoûtée à chaque fois qu'il en fut ainsi. C'était sa ville natale, après tout, mais il n'avait aucun attrait particulier pour les vacances, que sa femme l'avait obligé à prendre. Il était médecin généraliste, faisait de longues journées et n'avait pas pris de congés depuis deux ans. Ses week-ends étaient peu reposant car il avait des terreurs nocturnes et faisait des insomnies. Les Washington étaient des gens sérieux, ils se laissaient peu aller et étaient l'archétype même de la réussite professionnelle. Leurs fils étaient pareil qu'eux : sérieux et aimables.

Mrs Washington força son mari à se retirer du canapé où il avait confortablement posé ses fesses. Les « vacances reposantes » que sa femme lui avait promis, il ne les avait pas vu. Voilà trois semaines qu'ils étaient là. Kyle sortait rarement, s'asseyant à la journée à côté de son père dans le canapé, ou allait faire une ballade. La plupart du temps, Trevor restait dans la chambre qu'il partageait avec son jeune frère de quinze ans. Il pensait, simplement. Il s'ennuyait de sa petite ville, qui lui convenait bien. Les bruits de San Francisco, de jour ou de nuit, lui faisait ressentir une espèce de tension dans ses muscles. Il sentait les vibrations des véhicules qui circulaient sans arrêt, tandis qu'à Calhoun, tout le monde est couché à vingt-deux heures... Il avait hâte de rentrer. Aussi parce qu'il s'ennuyait ferme, sans ses amis. Qu'il soit avec ou sans eux, Trevor ne s'attardait pas sur la causette inutile. Il connaissait suffisamment ses amis, il n'avait plus grand-chose de nouveau à apprendre sur eux, rien à leur demander, aucune surprise, ils se fréquentaient depuis trop d'années. Il n'aimait pas la foule, les mondanités, les conversations futiles qui ne menaient nulle part. Il préférait rester seul, penser, imaginer. Il se créait de fantastiques choses, dans sa tête. Il traçait des contours, peignait la couleur, écrivait des histoires. C'était un artiste plus qu'un rêveur. Pour tout dire il détestait les songeurs, les soupirants aux belles poésies et la prose romantique. Il était assez terre à terre, alors il ne pensait pas être artiste car il n'avait rien vécu, rien à exprimer, rien à dire.

Alors il restait dans la chambre, allongé sur le lit du haut – car l'aîné a droit au lit du haut, en vacances ou autre situation – en pensant aux différentes façons de peindre son ennui.

- Maman dit qu'on sort, annonça Kyle en entrant dans la chambre.

Il avait la mine ennuyée et retenait un long soupir signifiant un « je n'ai pas du tout envie ».

- Trevor dit qu'il reste là, répondit Trevor. Dis à maman que je me sens mal.

- Si tu restes là, alors moi aussi !

- Non, les deux qui restent c'est impossible, et puis laisse pas papa tout seul. Elle veut aller où maman, encore ?

- Au Musée d'Art Moderne. Ca a l'air pas mal, mais pas avec les guides et maman qui s'extasie devant des cubiques d'hommes nus.

- Mouais, un autre jour.

- Tu me donnes quoi, en échange ?

- Je ne te frapperai pas pour désobéissance à l'aîné.

- Tu me feras un sandwich ?

Trevor s'exaspérait de son petit frère, il voulait être tranquille, et regarder les secondes restantes qui l'éloignait de son retour auprès de ses potes. Et de sa chambre à Calhoun, qu'il ne partageait pas avec son frère, heureusement.

CalhounWhere stories live. Discover now